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Magistratz Mandarins, peut estre du mot de mandement, & par ce nom s’entendent aussi maintenant en Europe les Magistratz de la Chine.

Encor que j’ay dit au commencement que le gouvernement de Royaume est Monarchique, toutesfois on peut voir par ce que je viens de dire, & diray, qu’il n’y a pas peu de l’Aristocratie meslée. Car encor qu’il faille que tout ce qui est ordonné par le Magistrat, soit confirmé du Roy par requestes à luy presenteez : il ne decrete toutesfois rien touchant aucune chose, qu’il n’en soit premièrement sollicité, ou adverti par les Magistratz. Mais si quelque homme privé presente requeste au Roy (ce que peu font, d’autant qu’il faut qu’elles soient premièrement visiteez & approuveez par certain Magistrat, que d’estre envoieez au Roy ) si le Roy a envie de l’accorder à la première apostille il souscrit quasi ainsi, Le Siège auquel il appartient, voie cete requeste, & m’advertise de ce qu’il luy semble bon de faire. Cela se doit tenir du tout hors de doute, que j’ay soigneusement observé, qu’il n’est pas absolument permis au Roy de faire à qui que ce soit aucun present d’argent, donner un ou plusieurs offices de Magistrature, sinon qu’il en soie prié par quel qu’un des Mandarins. Mais cela ne se doit pas entendre comme si le Roy ne pouvoit d’autorité privée eslargir des dons à ceux qui demeurent dans l’enclos du palais  : car il a souvent accoustumé de le faire de toute ancienneté, & par la loy qui permet à chascun d’honorer ses amis de sa despense domestique. Mais cela n’est pas reputé entre les bien-faictz publicz, veu que ces dons du Roy ne sont pas du thresor public, mais du revenu particulier.

Le revenu des impostz & tributz, qui sans doute excedent tous les ans cent ciquante millions (comme appelle le commun) ne s’apporte pas au thresor du palais ; & n’est pas permis au Roy de les despendre à sa volonté, mais tout, soit argent, monnoie du pais, soit rix & semblables provisions, s’assemble dans les thresors & magasins publicz de tout le Royaume. D’iceux est fourny à la despense des Roys, de leurs femmes, enfans, parens du Roy, Eunuques & de tous les domestiques Royaux, tousjours avec une magnificence & appareil digne du Roy, & toutesfois ni plus ni moins qu’il est ordonne par les statutz des lieux. De là on tire les gages des Magistratz, soldatz, & de tous autres Officiers de la Cour du Royaume. Laquelle somme est plus grande que les nostres ne pourroyent croire. D’icy aussi sortent les deniers employez aux réparations des edifices publicz, des Palais du Roy, & de ses parens, des murailles des villes, des forteresses, des chasteaux, & finalement de tout autre appareil de guerre. Et en cete ample estendue du Royaume ne manque jamais sujet de