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que celui qui est honnoré de ce degré, n'en acquiert pas plus d'autorité, ou de réputation, que celui qui ne l'a pas, parce qu’il n'est defendu à personne de penser les malades, soit qu'il se trouve sçavant ou ignorant en Médecine. Finalement cela est cognu à tous, qu’aucun n'estudie aux Mathématiques, ou en médecine, qui croit pouvoir exceller en la Philosophie morale, & ainsi personne quasi ne s'addonne à ces sciences, sinon celui lequel ou par la pauvreté, ou par le defaut d'esprit est destourne des disciplines plus relevées. D'où procède qu’à peine sont ilz en aucune estime, car l'honneur entretient les arts, & tous sont encouragez aux estudes par la gloire, ou par l'espoir des recompenses.

On peut voir le contraire en la science Ethique, au supreme degré de laquelle quiconque est eslevé, encor ne semble-il pas avoir attaint le sommet de la felicité Chinoise. Il me semble que je dois un peu plus au long traicter de ceci ; car je croys que cela ne sera pas moins agreable au lecteur, que nouveau. Ce Confutius, que j'ay dit Prince des Philosophes Chinois, a r'assemblé quatre volumes des escris des anciens Philosophes, & a escrit le cinquiesme de sa propre industrie. Il a appelle ces livres, Les cinq doctrines. En iceux sont contenus les preceptes moraux de bien vivre, & gouverner la Republique, les exemples des anciens, coustumes, sacrifices, comme aussi plusieurs poëmes des anciens, & autres semblables. Outre ces cinq volumes, on a réduit en un volume, sans aucun ordre, des preceptes divers tirez de deux ou trois Philosophes, sçavoir de Confutius & ses disciples, des apophthegmes & sentences touchant l'institution des mœurs selon la droicte raison, voire le moyen de se duire premièrement soy-mesme, puis sa famille, & finalement le Royaume à la vertu. Ilz ont appelle ce volume (d'autant qu’il est compris en quatre livres) Tetrabiblion qui veut dire quatre livres. Ces volumes sont les plus anciens des Bibliothèques Chinoises, & desquelz quasi tous les autres sont provenus. Ilz contiennent aussi la plus part des characteres hiéroglyphiques. Et certes ilz prescrivent des preceptes de la Philosophie morale, qui ne proufitent pas peu à la République. Parquoy les plus anciens Rois on faict une loy, confirmée par l'usage de plusieurs siecles, que quiconque veut estre & avoir la reputation d'homme lettré, il est necessaire qu’il ait les fondemens de sa doctrine de ces livres ; ausquelz ce n'est pas assez de comprendre le vray sens du texte ; mais encor, ce qui est plus difficile, il faut qu’ilz sçachent promptement & pertinemment escrire chasque sentence ; & pource faut il (à fin qu’ilz s'en puissent bien acquiter) que chacun d'eux apprenne ce Tetrabiblion, duquel nous avons parlé ci-dessus.