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des Egyptiens, n'est pas beaucoup différente de la façon de parler. Car aucun livre pour tout n'est escrit en langage vulgaire. Et si d'adventure quelqu’un approche de plus pres la façon de parler ordinaire, icelui ny de sujet, ny d'estime, ne s'esleve au dessus du commun. Et toutefois quasi tous les mots de l'un & l'autre langage sont communs és devis familiers & plus graves escritures : mais toute la diversité consiste en la seule composition des mots.

Or tous les mots de quelque langage des Chinois que ce soit, jusques à un, sont d'une syllabe : & ne s'en trouve pas un seul de deux ou plusieurs : encor qu’il n'y ait pas peu de diphthongues de deux, & souvent de trois voyelles, unies en une syllabe. Je les appelle diphthongues selon nostre maniere de parler car entre les Chinois on ne fait aucune mention de voyelles, ny de consonnantes ; mais ilz ont leur charactere hieroglyphique de chaque mot, comme de chaque chose, & n'y a pas moins de lettres que de mots : si que parmi eux diction, syllabe, element, est une mesme chose. Si toutefois en cet œuvre vous lisez des mots Chinois de plusieurs syllabes, sçachez qu’en Chinois chasque syllabe fait autant de mots ; mais pour autant qu’elles sont instituées pour signifier une seule chose, nous les avons à la façon Latine assemblees en un mot, & encor que le nombre des characteres soit selon la multitude des choses, ilz les composent neantmoins tellement, qu'ilz n'excèdent pas septante ou quatre vingt mille. Et qui en cognoist dix mille d'iceux, il a la cognoissance des lettres qui sont quasi necessaires pour escrire, car il n'est pas du tout besoin de les cognoistre toutes ; & n'y a peut estre en tout le Royaume aucun qui les cognoisse. La plus part de ces lettres sont d'un meme son, non mesme figure, voire aussi non d'une signification. D'où provient qu’on ne trouve aucun autre langage tant equivoque, & ne se peut aucune chose proferée de la bouche d'un autre mettre par escrit, ny leurs sentences par les auditeurs, quand on les lit, s'ilz n'ont le mesme livre devant les yeux, à fin qu’ilz recognoissant avec les yeux les figures, & les accents equivoques des mots, dont ilz ne peuvent faire distinction par le jugement des oreilles. D'où arrive souvent qu’en parlant l'un n'entend pas bien la conception de l'autre, bien qu’il parle elegamment, & prononce fort exactement les paroles, & qu’iceluy est non seulement contraint de redire le mesme, mais encor de l'escrire. Et s'ilz n'ont en main l'appareil pour escrire ilz forment les characteres sur la table avec de l'eau, ou du doigt en l'air, ou en la main de l'auditeur. Et cela principalement arrive entre les gens de lettres, & les personnages quant au reste eloquent, tant plus ilz s'entreparlent nettement, & elegamment, & approchent de pres à la maniere d'escrire des