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autres malheurs particuliers ou publicz. Et en verité s’ilz faisoient ce qu’ilz promettent, ceux qui se laissent tromper auroient de quoy effacer leur faute. Mais veu que ces imposteurs tres-impudens mentent de tout, je ne scai quel pretexte ou quelle excuse peuvent alléguer des hommes qui autrement ne sont pas lourdz. Et certes si ce n’est que nous envelopions tout du seul nom de mensonge, il semble que quelques-uns d’iceux ont acquis la cognoissance des impostures de l’art magique.

Ces Sacrificateurs demeurent ez temples Royaux du ciel & de la terre, & sont presens aux sacrifices du Roy, soit que le Roy les fasse luy mesme, soit qu’il les accomplisse par les Magistratz denommez, par laquelle seule chose ilz n’acquierent pas peu d’autorité. Ilz composent les chantz musicaux de ces sacrifices avec tous ses instrumentz en usage parmi les Chinois, lesquelz semblent estre discordans & du tout de mauvais accord à ceux d’Europe si on les touche tous ensemble. Ilz sont aussi appellez aux obseques, ausquelz ilz vont revestus de vestemens précieux, jouans de la fleuste & autres instrumentz de musique. On les vient aussi cercher pour consacrer des maisons nouvelles, & pour mener la pompe des Penitentz par les rues. Les chefz des rues à certain temps ordonnent ceste parade aux despens communs de tout le voisinage.

Ceste secte recognoist un Prelat, qui est surnommé Ciam, laquelle dignité celui là a laissé par droict hereditaire à sa posterité, depuis mil ans jusqu’au temps present. Et ceste dignité semble avoir pris son origine d’un certain Magicien qui demeurait en certaine caverne de la province Quiamsi, en laquelle encor aujourd’huy demeurent ses descendans ; &, si ce qu’on dit est vrai, reduisent en des livres les prestiges de leur art. Ce leur President la plus part du temps demeure à Pequin, & est honoré du Roy. Car il est par icelui receu dans l’intérieur du palais pour consacrer le dedans, si d’adventure on a opinion qu’on y soit tourmenté des malins espritz. Il est porté par la ville sur une chaize ouverte, & fait porter devant soi tout l’appareil dont usent les souverains Magistratz, & reçoit tous les ans une bonne rente du Roy. Or j’ai appris de quel qu’un de nos nouveaux convertis que les Prélats de ce temps sont si ignorans, qu’ils n’entendent pas mesme leurs vers & coustumes sacrileges. Or ce Prelat n’a quasi aucune puissance sur le peuple, mais seulement sur les petits ministres de la doctrine de Taufu, & il a un pouvoir absolu dans leurs maisons. Or plusieurs de ces conventuels comme ils recerchent les moiens d’acquerir une plus longue vie, ainsi ilz travaillent