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pas qu’ilz soient appellez aux funerailles, & quelques autres ceremonies, ou des bestes sauvages, oiseaux. poissons, & autres animaux sont mis en liberté, & ce pour faire quelque petit gain. Quelques sectaires plus religieux de ceste opinion les achetent vifs, afin qu’après ilz les remettent en liberté dans l’air, ez champs, ez eaux, estimans par cela meriter beaucoup.

Or en ce temps ceste secte n’a pas repris peu de vigueur, à laquelle on a renouvellé & eslevé plusieurs temples. Ceux qui y servent sont Eunuques, femmes, & peuple grossier, mais sur tous autres quelques-uns qui font profession d’estre plus religieux observateurs de cette discipline, qu’ilz appellent Ciaicum ; c’est comme si on disoit jeusneurs : car ilz ne mangent pendant toute leur vie en leur maison aucune chair ou poisson, & adorent, dans leur maison une multitude d’Idoles avec certaines prières à ce ordonnees ; & afin que l’espoir du gain ne manque jamais, ilz sont priez & conviez dans les maisons des autres à prix d’argent, pour y reciter leur service.

Les femmes aussi peuvent demeurer dans des semblables cloistres, mais separées des hommes. Elles rasent aussi leurs cheveux, & renoncent au mariage : les Chinois en leur langage les appellent Nicu, mais icelles aussi ne vont pas souvent ensemble, & au regard des hommes elles sont beaucoup en moindre nombre.

Je viens maintenant à la troisiesme secte de ceste religion profane, qui s’appelle Lauzu. Elle a pris son origine d’un certain philosophe lequel florissoit au mesme temps de Confutius. Ilz feignent que cestui-là a esté porté quattre-vingt ans au ventre de sa mere devant que de naistre, pour laquelle cause il est appelle Lauzu, c’est à dire vieil philosophe. Cestui-ci n’a laissé aucun livre de sa doctrine, ni ne semble avoir voulu introduire une nouvelle opinion. Mais quelques sectaires l’ont appellé estant mort Taufu (chef de secte) & ont escrit plusieurs livres ramassez de diverses sectes & mensonges d’un stile tres-elegant. Ceux-là aussi demeurent en leurs cloistres sans femmes, sont acheteurs de disciples, aussi abjects & meschans que ceux que nous avons dict ci-dessus. Ilz ne rasent pas leurs cheveux, ains les laissent croistre comme les laicz, n’estans en rien differens, qu’en ce que sur le nœud, avec lequel ilz ramassent leur perruque sur le sommet de la teste, ilz portent un bonnet de bois. Il y en a d’autres aussi qui estans sortis de mariage observent en leur maison plus religieusement leur discipline, & récitent tant pour eux que pour autruy des prieres à certain temps ordonnees. Ceux-là asseurent qu’entre les autres simulacres des faux dieux, ilz