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est prononcé comme Tolome. Ilz semblent peut estre avoir voulu honorer leur secte par l’autorité de l’Apostre Bartholomé.

Mais des nuages tres noirs de mensonges ont esteinct ceste ombre de verité. Car ilz ont confondu le ciel & la terre, le lieu destiné aux recompenses & aux punitions ensemble. Ilz n’ont assigné l’eternité des ames en aucun d’iceux : mais ilz veulent qu’après quelques espaces de temps, elles renaissent derechef en quelques-uns de ces mondes qu’ilz establissent en nombre ; & alors ilz leur permettent de faire penitence de leurs pechez si elles s’amendent, & autres telles fables, par lesquelles ilz ont merveilleusement affligé ce Royaume. Ilz rejettent de leurs tables l’usage de la chair, & de toute autre chose vivante ; mais il s’en trouve peu qui s’ordonnent ceste abstinence, & donnent facilement absolution de ces pechez & autres aux coulpables s’ilz font quelque aumosne ; voire mesme ilz asseurent de pouvoir par leurs prieres redimer ceux qu’ilz veulent des tourmens de l’enfer.

Nous lisons que cete secte du commencemment a esté receuë avec grand applaudissement, pour ce principalement qu’elle proposoit clairement l’immortalité de l’ame, & le prix d’une autre vie. Mais, comme remarquent tres-bien les Chinois lettrez de ce temps, tant plus cete secte semble approcher la verité de plus pres que les autres, d’autant plus a elle insensiblement par ses impostures espandu une plus salle contagion. Mais rien n’a tant abatu l’autorité de cete secte que ce que les lettrez objectent à ses sectaires à sçavoir que le Roy & les Princes qui ont les premiers embrasse cete croiance, sont miserablement peris de mort violente ; & que tout le reste a esté de mal en pis, & au lieu de la bonne fortune qu’ilz promettent à pleine bouche, sont tombez en des malheurs & diverses calamitez publiques. Et par ces commencemens cete secte est jusqu’au temps present comme par un flux & reflux divers de siecles, creuë & decreuë. Mais toutefois s’est augmentee de multitude de livres, soit qu’ilz vinssent nouvellement de l’Occident, soit qu’ilz fussent (ce qui est plus vraisemblable) composez au Royaume mesme de la Chine. Par ces allumettes ce feu s’est tousjours entretenu, & n’a jamais peu estre esteint. Mais par cete diversité de livres tant de confusion s’est peu à peu introduite en cete doctrine, que ceux-là mesmes qui en font profession à peine la peuvent demesler. Or les marques de son antiquité restent encor aujourd’huy en la multitude des temples, & desquelz plusieurs sont somptueux. En iceux on void des monstres desmesurez d’idoles de cuivre, de marbre, bois & terre joignant ces temples sont esleveez des tours de pierre, ou de brique, & en