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que ceste doctrine est passée des Chinois aux Japons, je ne puis pas assez comprendre combien veritablement les Japons sectateurs de cette opinion asseurent que ces Sciacca & Amidaba mesmes sont passez la, & sont venus du Royaume de Siam : car c’est chose manifeste, par les livres des sectaires de cette opinion, que ce Royaume de tous temps cognu aux Chinois est fort esloigne de celui qu’ilz appellent Thiencio.

Par ceci il paroist que cette doctrine a penetré en la Chine, lors que l’Evangile commençoit d’estre cognue au monde, par la predication des Apostres. Sainct Barthelemi Apostre publioit la loy Evangelique en l’Inde superieure, qui est le mesme Royaume d’Indostan, & confiné de l’autre : mais l’Apostre Sainct Thomas espandoit les raions Evangeliques en l’Inde inférieure vers le Midy. D’ou on pourroit estimer que les Chinois esmeus par la renommée de la verité Evangelique, l’auroient recerchée vers l’Occident : mais que par la faute des Ambassedeurs, ou la malice des peuples ausquelz ilz parvenoient, au lieu de la verite, ilz ont receu le mensonge apporté de dehors.

Les auteurs de cete secte semblent avoir tire quelques-unes de leurs opinions de nos Philosophes : car ilz soustiennent qu’il y a quattre Elements. Mais les Chinois assez sottement disent qu’il y en a cinq, le feu, l’eau, la terre, les metaux, & le bois, desquelz ilz estiment que tout ce monde Elémentaire, les hommes, les bestes, les plantes & tous autres corps mixtes sont composez. Elle forge, Avec Democrite & autres, plusieurs mondes, mais principalement ilz semblent avoir emprunte la transmigration des ames de la doctrine de Pythagoras, & ont adjousté plusieurs autres mensonges à cestui-cy, pour farder la fausseté. Or tout cecy semble avoir pris quelque ombrage non seulement de nos Philosophes, mais aussi de la lumiere Evangelique. Car cette secte introduit quelque forme de Triade, par laquelle elle conte que trois Dieux sont en apres unis en une seule Deite. Elle establit des recompenses aux bons dans le Ciel, & des peines aux meschans dans les Enfers. Elle louë tellement le Celibat qu’elles semble rejecter les mariages. Ilz recommandent à Dieu leurs maisons, & familles, & vont en pèlerinage en divers lieux demandans l’aumosne. Les ceremonies profanes de ceste secte ont une grande ressemblance avec celles de nos Ecclesiastiques. Vous diriez que les cantiques qu’il chantent ne sont pas beaucoup différents de l’office que nous appelions Gregorien. En leurs temples aussi ilz mettent des images. Leurs Sacrificateurs vestent des habits du tout semblables aux nostres, que d’un mot Ecclesiastiques nous appelions pluvials. En recitant leurs prieres ils redisent souvent un certain nom, qu’eux mesmes confessent ne cognoistre pas ; icelui