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qu’autant qu’il retirerait toujours de son capital les profits ordinaires, ce qui ne pourrait arriver s’il ne vendait ses articles à un prix proportionné à la quantité de travail industriel consacré à leur production[1].
  1. M. Say n’a-t-il pas oublié dans le passage suivant que ce sont les frais de productions qui règlent définitivement les prix ? — « Les produits de l’industrie agricole ont même cela de particulier, qu’ils ne deviennent pas plus chers en devenant plus rares, parce que la population décroît toujours en même temps que les produits alimentaires, diminuent ; et que, par conséquent, la quantité de ces produits qui est demandée diminue en même temps que la quantité offerte. Aussi ne remarque-t-on pas que le blé soit plus cher là où il y a beaucoup de terres en friche, que dans un pays complétement cultivé. L’Angleterre, la France, étaient beaucoup moins bien cultivées au moyen âge que de nos jours ; elles produisaient beaucoup moins de céréales, et néanmoins, autant qu’on en peut juger par comparaison avec quelques autres valeurs, le blé ne s’y vendait pas plus cher. Si le produit était moindre, la population l’était aussi : la faiblesse de la demande compensait la faiblesse de l’approvisionnement. » Liv. III, Chap. 8. M. Say, persuadé que le prix du travail était le régulateur de celui des denrées, et supposant avec raison que les établissements de charité de toute espèce tendent à augmenter la population au delà de ce qu’elle serait devenue si elle était livrée à elle-même, et par conséquent à faire baisser les salaires, dit : « Je soupçonne que le bon marché des marchandises qui viennent d’Angleterre tient en partie à la multitude d’établissements de bienfaisance qui existent « dans ce pays. » Liv. III, chap. 6. Cette opinion est conséquente dans un auteur qui soutient que les salaires règlent les prix.

    Je ne pense point que ce soient les frais de production qui définitivement règlent le prix des choses ; car, lorsqu’une chose coûte trop cher à faire, elle ne se vend point. Le prix s’établit en raison directe de la quantité demandée, et en raison inverse de la quantité offerte. Lorsque le prix courant paie peu généreusement les producteurs*, la quantité produite, c’est-à-dire offerte, diminue ; le prix monte, et en même temps un certain nombre de consommateurs renoncent à se porter demandeurs ; et lorsque le prix monte au point d’excéder les facultés des plus riches amateurs, la production et la vente de cette espèce de produit cessent complètement. (Note de l’Auteur.)

    Relativement à l’influence que les secours donnés aux indigents exercent sur les salaires, et par suite sur le prix des produits, on sait qu’en Angleterre les paroisses viennent au secours des ouvriers qui gagnent trop peu pour soutenir leurs familles. Sans un tel secours ces familles ne pourraient pas s’entretenir et se perpétuer. La classe des ouvriers deviendrait moins nombreuse et plus chère. Il est permis de croire qu’alors leurs produits renchériraient et soutiendraient moins favorablement la concurrence dans l’étranger. Au surplus, je crois, avec M. Ricardo, que la valeur des salaires, dans la plupart des cas, influe, sinon

*. Dans les producteurs, je comprends toujours, outre ceux qui fournissent le travail, ceux qui fournissent les fonds de terre et le capital, qui ne sont pas moins indispensables que le travail.