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mêmes propriétés, si son étendue était sans bornes, et sa qualité uniforme, on ne pourrait rien exiger pour le droit de la cultiver, à moins que ce ne fût là où elle devrait à sa situation quelques avantages particuliers. C’est donc uniquement parce que la terre varie dans sa force produc­tive, et parce que, dans le progrès de la population, les terrains d’une qualité inférieure, ou moins bien situés, sont défrichés, qu’on en vient à payer une rente pour avoir la faculté de les exploiter. Dès que par suite des progrès de la société on se livre à la culture des terrains de fertilité secondaire, la rente commence pour ceux des premiers, et le taux de cette rente dépend de la différence dans la qualité respective des deux espèces de terre[1].

Dès que l’on commence à cultiver des terrains de troisième qualité, la rente s’établit aussi­tôt pour ceux de la seconde, et est réglée de même par la différence dans leurs facultés productives. La rente des terrains de première qualité hausse en mème temps, car elle doit se maintenir toujours au-dessus de celle de la seconde qualité, et cela en raison de la différence de produits que rendent ces terrains avec une quantité donnée de travail et de capital. À chaque accroissement de population qui force un peuple à cultiver des terrains d’une qualité inférieure pour en tirer des subsistances, le loyer des terrains supérieurs haussera.

Supposons que des terrains nos 1, 2, 3, rendent, moyennant l’emploi d’un même capital, un produit net de 100, 90 et 80 quarters (2 h. 907) de blé. Dans un pays neuf, où il y a quantité de terrains fertiles, par rapport à la population, et où par conséquent il suffit de cultiver le no 1, tout le produit net restera au cultivateur, et sera le profit du capital qu’il a avancé[2]. Aussi­tôt que l’augmentation de population sera devenue telle qu’on soit obligé de cultiver le no 2, qui ne rend que 90 quarters, les salaires des laboureurs déduits, la rente commencera pour les terres no 1 ; car il faut, ou qu’il y ait deux taux de profits du capital agricole, ou que l’on enlève dix quarters de blé,

  1. Dans la notice historique placée en tête de ce volume, nous avons esquissé et discuté la théorie dont Ricardo s’est fait le plus vigoureux apôtre. Nous y renvoyons le lecteur, afin de ne scinder l’attention qu’au profit des maîtres dont nous citerons l’opinion en marchant. — A. F.
  2. Il ne me semble pas prouvé que tout le profit que retirera le cultivateur dans ce cas soit le profit de son capital. Le terrain ne sera cultivé qu’autant qu’on en aura assuré la propriété au cultivateur ; dès lors il a quelque chose de plus précieux que tout autre terrain de même qualité, non encore approprié. — J.-B. Say.