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valeur relative des denrées, abstraction faite de la quantité de travail nécessaire pour les produire. Pour bien comprendre cette partie de notre sujet il faut étudier la nature de la rente et rechercher quels sont les principes qui en règlent la hausse et la baisse.

La rente est cette portion du produit de la terre que l’on paie au propriétaire pour avoir le droit d’exploiter les facultés productives et impérissables du sol. Cependant on confond souvent la rente avec l’intérêt et le profit du capital, et dans le langage vulgaire on donne le nom de rente à tout ce que le fermier paie annuellement au propriétaire.

Supposons deux fermes contiguës, ayant une même étendue, et un sol d’une égale fertilité, mais dont l’une, pourvue de tous les bâtiments et instruments utiles à l’agriculture, est de plus bien entretenue, bien fumée, et convenablement entourée de haies, de clôtures et de murs, tandis que tout cela manque à l’autre. Il est clair que l’une s’affermera plus cher que l’autre ; mais dans les deux cas on appellera rente la rémunération payée au propriétaire. Il est cependant évident qu’une portion seulement de l’argent serait payée pour exploiter les propriétés naturelles et indestructibles du sol, le reste représenterait l’intérêt du capital consacré à amender le terrain

    térêt, les profits, et s’absorbe alors dans le fermage, qui tantôt la dépasse et tantôt lui est inférieure. De là des complications qui voilent souvent la notion de la rente : mais une analyse sévère la fait bientôt dégager et il suffit de quelque réflexion pour retrouver, au milieu des autres incidents économiques, cette portion du produit qui retourne, suivant l’auteur, au propriétaire uniquement comme propriétaire. Sans cette distinction fondamentale, qui doit se refléter dans les termes de notre traduction, la théorie de Ricardo serait impossible et nous dirons même absurde. Quelque novateur qu’on soit et amoureux de systèmes inconnus, il faut s’arrêter devant des extravagances outrées que repoussent tous les esprits ; et nous placerions la théorie de Ricardo au nombre de ces extravagances, s’il avait voulu établir que le fermage, y compris l’intérêt des capitaux engagés dans la terre, n’accroît pas les frais de production. Tout devient clair, au contraire, sinon incontestable, si l’on admet avec l’auteur que la rente est indépendante de cet intérêt, et n’existe même que par la différence des frais de production sur des terrains de qualités diverses. Ceci est donc plus qu’une rectification lexicographique, c’est, avant tout, une rectification scientifique On disait jadis : Donnez-moi trois lignes d’un homme et je le fais pendre : on pourrait presque dire, en général : Donnez-moi trois lignes d’un auteur à traduire, et je le rends incompréhensible. En substituant dans tout ce chapitre le mot rente de la terre au mot fermage, nous croyons avoir évité cette faute, et nous aurions même des autorités à invoquer, s’il en était besoin lorsqu’on a pour soi la nécessité logique. — A. F