Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sier des sociétés naissantes, qui précède l’accumulation des capitaux, et l’appropriation des terres, le rapport entre la quantité de travail nécessaire pour acquérir chaque objet paraît la seule donnée qui puisse conduire à poser une règle pour l’échange des uns contre les autres. Par exemple, si dans une nation de chasseurs il en coûte ordinairement deux fois autant de travail pour tuer un castor que pour tuer un daim, on donnera naturellement deux daims pour un castor, ou, en d’autres termes, un castor vaudra deux daims. Il est tout simple que ce qui est d’ordinaire le produit de deux journées ou de deux heures de travail, vaille le double de ce qui n’exige ordinairement qu’un jour ou une heure de travail[1]. »

Il importe essentiellement en économie politique de savoir si telle est en réalité la base de la valeur échangeable de toutes les choses, excepté de celles que l’industrie des hommes ne peut multiplier à volonté ; car il n’est point de source d’où aient découlé autant d’erreurs, autant d’opinions diverses, que du sens vague et peu précis qu’on attache au mot valeur.

Si c’est la quantité de travail fixée dans une chose, qui règle sa valeur échangeable, il s’ensuit que toute augmentation dans la quantité de ce travail doit nécessairement augmenter la valeur de l’objet auquel il a été employé ; et de même que toute diminution du même travail doit en diminuer le prix[2].

    d’Économie politique, on voit que les travaux productifs sont ceux du savant qui étudie les lois de la nature, de l’entrepreneur d’industrie qui les applique à la satisfaction des besoins de l’homme, et de l’ouvrier qui exécute le travail manuel qui résulte de l’indication des deux premiers. Le mot travail exprime imparfaitement toutes ces opérations, dont quelques-unes renferment des résultats de ce qu’il y a de plus relevé dans l’intelligence humaine. C’est à leur ensemble qu’il convient de donner le nom d’industrie, pour réserver le nom de travail aux opérations qui sont plus dépourvues de combinaisons. L’analyse des diverses opérations de l’industrie est d’autant plus nécessaire, qu’elles obtiennent, dans la distribution des valeurs produites par leur moyen, des rétributions très-diverses.

    J.-B. Say.

  1. Livre I, chap. 16, p. 65, édit. Guillaumin.
  2. M. Ricardo me semble à tort ne considérer ici qu’un des éléments de la valeur des choses, c’est-à-dire le travail, ou, pour parler plus exactement, l’étendue des sacrifices qu’il faut faire pour les produire. Il néglige le premier élément, le véritable fondement de la valeur, l’utilité. C’est l’utilité qui occasionne la demande qu’on fait d’une chose. D’un autre côté, le sacrifice qu’il faut faire pour qu’elle soit produite, en d’autres mots, ses frais de production font sa rareté, bornent la