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rateur, de l’écrivain, de l’homme d’État, et qui vient d’apprendre à la France que la lyre des bardes a des cordes pour les grandes théories politiques et sociales, comme pour les murmures les plus suaves de l’âme, il se réfugia dans son indépendance pour soutenir loyalement la vérité sur quelque banc qu’elle apparût.

Nous laisserons à un disciple dévoué de Ricardo le soin de retracer pieusement son caractère privé et ses derniers moments :

« La constitution de Ricardo, sans être robuste, semblait lui promettre encore en 1822 une longue carrière. Il y avait, il est vrai, quelques années qu’il était sujet à un mal d’oreille ; mais comme il n’en était jamais résulté d’inconvénients sérieux, il y faisait peu d’attention. À la clôture de la session de 1823, de retour dans le comté de Gloucester à sa résidence de Gatcom-Park, il y compléta « le plan d’une Banque nationale, » dont on retrouva le manuscrit après sa mort, au milieu de notes dans lesquelles il réfutait quelques-unes des théories émises par Malthus, notes qu’on n’a jugées ni assez complètes ni assez importantes pour les publier. Au commencement de septembre, il ressentit tout à coup une violente douleur dans l’oreille affectée. Les symptômes n’offrirent d’abord rien d’alarmant, et la rupture d’un abcès amena un soulagement momentané ; mais au bout de deux jours l’inflammation recommença, et après une agonie indicible, l’oppression du cerveau produisit une stupeur qui dura jusqu’à ce que la mort vint terminer ses souffrances, le 11 septembre.

Dans la vie privée, Ricardo était très-aimable ; c’était un père, un mari plein d’indulgence et de bonté, un ami dévoué. Personne n’avait moins de prétention et ne sut mieux réunir la douceur à la fermeté. Il aimait surtout à réunir autour de lui les hommes de talent et à causer librement de toutes choses, et principalement de celles qui se liaient à sa science favorite. La découverte de la vérité était son seul objet, et son esprit se montra toujours accessible aux convictions éclairées et sages. Sa générosité marchait de pair avec son talent. Jamais il ne lit attendre ses secours aux malheureux : presque toutes les institutions charitables de Londres le comptaient au nombre de leurs protecteurs, et il soutenait à ses frais un hospice et deux écoles dans le voisinage de sa résidence. »

Tel fut l’homme dont nous avons examiné plus haut les fortes et généreuses doctrines. On ne retrouve peut-être chez aucun écrivain un assemblage plus complet de facultés diverses ; et si Ricardo n’est pas de tous les économistes celui qui a résolu le plus de problèmes, c’est celui qui en a le plus remué, et jamais le redoutable dilemme du salaire et des profits, de la population et des subsistances, du revenu et de l’impôt, n’avait été posé d’une manière plus nette et plus saisissante.

Les hommes et les événements donnent raison aujourd’hui aux préoccupations des économistes et particulièrement à celles de Ricardo. Les peuples n’ont pas, comme les aristocrates et les monarchies, des blasons qui les séparent et des héritages à régler. Ils savent ou commencent à savoir que