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Supposons que la demande soit de un million de quarters de blé, et que ce soit le produit des terres actuellement en culture ; supposons encore que la fertilité de ces terres soit tellement diminuée, qu’elles ne rendent plus que neuf cent mille muids, la demande étant de un million de muids, le prix du blé hausserait, et il faudrait avoir recours à des terrains d’une qualité inférieure plus tôt qu’on ne l’aurait fait si les bonnes terres avaient continué à produire un million de quarters.

C’est cette nécessité de mettre des terres d’une qualité inférieure en culture, qui est la cause de l’augmentation de la rente. La rente n’est pas, il faut se le rappeler, en proportion de la fertilité absolue des terres en culture, mais en proportion de leur fertilité relative. Toute cause qui portera les capitaux vers la culture des terrains ingrats doit la faire hausser, puisque la rareté comparative des terrains les plus fertiles est la source de la rente, ainsi que M. Malthus l’a annoncé dans sa troisième proposition. Le prix du blé doit naturellement s’élever par suite de la difficulté qu’on éprouve d’en obtenir les dernières portions ; cependant, comme les frais de production ne s’accroîtront pas sur les terres les plus fertiles, que le salaire et les profits, pris ensemble, conserveront la même valeur[1], il est clair que l’excédant du prix par delà les frais de production, ou, en d’autres termes, la rente, doit monter par suite de la diminution de fertilité de la terre, à moins qu’une grande réduction de capital, de population et de demande ne s’y oppose.

Il ne parait donc pas que la proposition de M. Malthus soit exacte ; la rente ne monte ni ne baisse d’une manière immédiate et nécessaire à proportion de l’augmentation ou de la diminution de la fertilité de la terre ; mais l’augmentation de sa fertilité la rend susceptible de payer à la longue une rente plus forte. Des terres très-peu fertiles ne peuvent jamais fournir une rente ; des terres médiocrement fertiles peuvent supporter de payer une rente modique lorsque la population s’accroît ; et, dans ce même cas, les terres très-fertiles peuvent payer une grosse rente, mais ce n’est pas la même chose de pouvoir supporter une forte rente, et de la supporter effective-

  1. Voyez le chapitre des Profits, où j’ai essayé de démontrer que, quelque facilité ou difficulté qu’on puisse rencontrer dans la production du blé, les salaires et les profits conservent la même valeur. Quand les salaires haussent, c’est toujours aux dépens des profits, et quand ils baissent les profits s’en augmentent. (Note de l’Auteur.)