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« Sous ce point de vue, la rente ne peut rien ajouter au capital de la communauté en général ; car l’excédant net en question n’est rien de plus qu’un revenu qui passe des mains d’une classe de la société dans celles d’une autre, et il est évident que cela ne peut pas créer un fonds susceptible de couvrir l’impôt. Le revenu qui paie les produits de la terre, existe déjà entre les mains de ceux qui achètent ces produits, et si le prix des subsistances était plus bas, il resterait dans leurs mains, où il serait tout aussi aisé de le soumettre à un impôt, que lorsque, en raison d’un prix plus élevé, il a passé dans les mains du propriétaire foncier. »

Après diverses observations sur la différence qui existe entre les produits de l’agriculture et les objets manufacturés, M. Malthus demande : « Est-il dès lors possible de considérer la rente, avec M. de Sismondi, comme un simple produit du travail, comme une valeur purement nominale, et qui n’est que le résultat de cette augmentation de prix qu’un vendeur obtient par l’effet d’un privilège spécial ; ou, avec M. Buchanan, comme n’ajoutant rien à la richesse nationale, et comme une simple transmission de valeur qui n’est avantageuse qu’aux propriétaires, et qui est, dans la même proportion, nuisible aux consommateurs[1] ? »

J’ai déjà, en traitant de la rente, exprimé nettement mon opinion, et j’ajouterai que la rente est une création de valeur, dans le sens que je donne à ce mot, mais non une création de richesse. Si le prix du blé, en raison de la difficulté d’en produire une portion quelconque, haussait de 4 à 5 l. le quarter, un million de quarters vaudrait 5,000,000 l. au lieu de 4,000,000 l. ; et puisque ce blé s’échangera, non-seulement contre plus d’argent, mais aussi contre une plus grande quantité de toute espèce de marchandises, il est clair que les propriétaires auront une valeur plus forte ; et comme cela ne diminuera la richesse de personne, la société entière possédera une somme plus considérable de valeur, et dans ce sens la rente devient une création de valeur. Mais cette valeur peut être regardée comme nominale, en ce qu’elle n’ajoute rien à la richesse de la société, c’est-à-dire à la masse des choses nécessaires, commodes ou agréables. Nous aurions toujours précisément la même quantité de choses, pas davantage, et le même million de quarters de blé ; mais l’effet de la hausse du blé, de 4 à 5 l., serait de faire passer une partie de la valeur du blé et des autres marchandises des mains de leurs anciens

  1. An inquiry into the nature and progress of Rent, page. 15.