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J’ai encore fait observer que l’accroissement du revenu net, évalué en marchandises, — accroissement qu’entraîne nécessairement l’emploi des machines, — doit conduire à de nouvelles épargnes, à de nouvelles accumulations. Ces épargnes, qu’on se le rappelle bien, sont annuelles, et doivent arriver bientôt à créer un fonds beaucoup plus considérable que le revenu brut détruit tout d’abord par la découverte des machines. Dès lors la demande de bras sera aussi grande qu’auparavant, et la condition du pays sera encore améliorée par l’accroissement d’épargnes que l’augmentation du revenu net lui permettra de faire.

Il serait toujours dangereux d’entraver l’emploi des machines, car si l’on n’accorde pas dans un pays, au capital, la faculté de recueillir tous les profits que peuvent produire les forces mécaniques perfectionnées, on le pousse au dehors, et cette désertion des capitaux sera bien plus fatale à l’ouvrier que la propagation la plus vaste des machines. En effet, dès qu’un capital est employé dans un pays, il y sollicite une certaine somme de travail ; et les machines ne peuvent fonctionner sans des hommes qui les surveillent, les guident, les réparent. Donc, si l’on consacre un capital à acheter des engins perfectionnés, on limite la demande de travail ; mais si on l’exporte on annule complètement cette demande.

D’ailleurs, le prix des marchandises se règle d’après les frais de production ; dès qu’on emploie des forces perfectionnées, on diminue les frais de production des marchandises et, par conséquent, on peut les vendre sur les marchés étrangers à des conditions réduites. Si cependant vous rejetez l’emploi des machines, vous serez obligé d’exporter de la monnaie en échange des marchandises étrangères, jusqu’à ce que la rareté du numéraire abaisse le prix de vos marchandises au niveau des prix du dehors. Dans vos relations avec les autres pays vous pourriez être amené à donner une marchandise qui vous aurait coûté deux journées de travail, pour une marchandise qui n’en aurait exigé qu’une au dehors ; et ce marché ruineux ne serait cependant que la conséquence de vos propres actes. En effet, cette marchandise que vous exportez et qui vous a coûté deux jours de travail, ne vous en aurait coûté qu’un, si vous n’aviez pas repoussé ces machines, dont les forces ont été si habilement utilisées par vos voisins.

    capitaux engagés sur les classes laborieuses. Son Essai renferme à cet égard des vues utiles. (Note de l’Auteur.)