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lui donner plus de relief, j’ai supposé que des machines nouvelles auraient été soudainement découvertes et appliquées sur une vaste échelle : mais dans le fait ces découvertes se font lentement, graduellement, et elles agissent plutôt en déterminant l’emploi des capitaux épargnés et accumulés, qu’en détournant les capitaux existants des industries actuelles.

À mesure que le capital et la population d’un pays grandissent la production devient plus coûteuse, et le prix des subsistances s’élève généralement. Or, la hausse des aliments entraîne la hausse des salaires, et la hausse des salaires tend à pousser plus activement le capital vers l’emploi des machines. Les forces mécaniques et les forces humaines sont en concurrence perpétuelle, et il arrive souvent que les premières ne sont employées qu’au moment où s’élève le prix des secondes.

En Amérique et dans un grand nombre d’autres pays où l’on pourvoit aisément à la nourriture de l’homme, les stimulants qui poussent à l’emploi des machines, sont loin d’être aussi puissants qu’en Angleterre, où la nourriture est chère et exige des frais de production considérables. La même cause qui élève les salaires n’élève pas la valeur des machines, et c’est pourquoi toute augmentation de capital aboutit au développement des engins mécaniques. La demande de travail continuera de s’accroître avec l’accroissement du capital, mais non dans le rapport exact de cet accroissement[1].

  1. La demande de bras dépend de l’accroissement du capital circulant et non du capital fixe. S’il était vrai d’ailleurs que la proportion entre ces deux genres de capitaux fût la même en tout temps et dans tous les pays, il s’ensuivrait naturellement que le nombre des ouvriers serait proportionné à la richesse du pays. Mais une telle proposition n’est pas soutenable. À mesure que les arts viennent épurer le goût des nations, que la civilisation s’étend, le capital fixe prend, relativement au capital circulant, des proportions de plus en plus vastes. La somme de capital fixe consacrée à la fabrication d’une pièce de mousseline anglaise est cent fois, probablement même mille fois, plus grande que celle qui, dans l’Inde, sert à fabriquer la même étoffe ; et, d’un autre côté, la somme de capital circulant est cent fois ou mille fois moindre. Il est facile de concevoir que dans de certaines circonstances la totalité des épargnes annuelles d’un peuple industriel peut être ajoutée au capital fixe, ce qui n’aurait aucun effet sur la quantité de travail à distribuer. Barton. Sur la situation des classes ouvrières, page 16.

    Il n’est pas facile de concevoir comment un accroissement de capital peut ne pas accroître la demande de travail : le plus qu’on peut dire, c’est que la demande va en proportion décroissante. M. Barton, dans l’ouvrage cité plus haut, me semble avoir, d’ailleurs, assez bien compris les effets produits par l’augmentation des