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Quoi qu’elle fasse, elle ne peut s’isoler du commerce : son portefeuille regorge de valeurs signées par des commerçants, des banquiers, des industriels, et, en refusant de soutenir aujourd’hui ces débiteurs chancelants, elle les conduit à une insolvabilité flagrante. C’est une assez triste tactique, comme on voit, et la Banque ressemble trop, dans son égoïsme méticuleux, à un créancier qui n’aurait d’espoir que dans le travail de son débiteur mourant, et qui refuserait cependant de lui faire crédit des médicaments qui le doivent guérir. MM. Huskisson, Harman et Baring (aujourd’hui lord Ashburton), pensèrent et agirent autrement en 1825. Réduits à un encaisse insignifiant et menacés de la voir s’épuiser au sein d’une crise redoutable, ils tentèrent une expérience hardie et qu’on pourrait appeler homœopathique. Ils corrigèrent, par une émission abondante, des émissions qu’on croyait exagérées : du 3 décembre au 31 décembre 1825, ils accrurent de plus de 200, 000, 000 fr. la masse des billets en circulation, et le commerce, rassuré par ce coup d’audace, reprit son aplomb en quelques mois[1].

Sans doute, il arrivera que des spéculateurs audacieux trouveront auprès de certaines Banques imprudentes et avides le crédit nécessaire pour organiser des opérations effrénées et se faire escompter, avec du papier hypothétique, un avenir plus hypothétique encore. Nous voulons même que le vertige saisisse quelques directeurs, comme il a saisi tant de naïfs et de roués dans l’affaire des mines du Mexique, des chemins de fer, des fonds publics ; mais cette effervescence, inséparable du début de toute doctrine, disparaît dès que les esprits ont appris à pénétrer les ressources, les mystères des diverses industries. Et les Banques nous paraissent même être au premier rang des entreprises sur lesquelles l’opinion publique peut exercer un contrôle efficace. Rien de plus irritable, de plus sensible que le baromètre des affaires, toujours prêt à monter ou à descendre de vingt degrés au moindre souffle, et il n’est pas douteux que les moindres excès dans rémission n’éveillent la méfiance et ne forcent les bureaux d’escompte à une grande prudence. La monnaie est une marchandise de consommation perpétuelle ; chacun de nous fait, à cet égard, l’office de contrôleur et de vérificateur. Mais pour que ce contrôle soit sérieux, pour que les porteurs de billets soient à même d’apprécier exactement la solvabilité des Banques, il faut que ces établissements se rapprochent d’eux par la dispersion dans les plus petites localités. Dans l’état actuel de ce qu’on

  1. D’ailleurs, que fait la Banque aux époques où le paiement des rentes publiques sous traita la circulation d’énormes masses de numéraire ? Elle élargit, comme l’a fort bien remarqué Ricardo, le cadre de ses escomptes pour combler le vide qui s’est formé dans la circulation et pour maintenir l’équilibre du système monétaire : en un mot, elle fait accidentellement ce que nous voudrions qu’elle fît toujours, et ce qu’elle ferait effective, ment si elle avait à lutter contre des concurrents habiles et alertes. Ne peut-on pas considérer, en effet, les crises financières, comme des échéances solennelles, qui entraînent les disettes, les faillites, les guerres et qu’on ne traverse qu’à condition d’accroître les ressources du commerce et de l’industrie ?