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me soit permis de croire que la mère-patrie peut quelquefois retirer un avantage des entraves auxquelles elle assujettit les habitants de ses colonies. Qui peut douter, par exemple, que, supposant que l’Angleterre fût une colonie de la France, ce dernier pays ne trouvât du profit à faire payer à l’Angleterre une forte prime sur l’exportation du blé, du drap, ou de toute autre marchandise ? En examinant la question des primes, et partant de la supposition que le blé se vendait en Angleterre 4 l. st. le quarter, nous avons vu qu’en accordant 10 sh. de prime sur l’exportation, le blé serait revenu en France à 3 l. 10 sh. Or, si le blé était auparavant à 3 l. 15 sh. le quarter en France, le consommateur français aura gagné 5 sh. par quarter sur tout le blé importé ; et si le prix naturel du blé en France était auparavant de 4 l. les Français auraient gagné en totalité les 10 sh., montant de la prime. La France profiterait donc par là de toute la perte que l’Angleterre aurait supportée ; elle ne gagnerait pas seulement une partie de ce que l’Angleterre aurait perdu ; mais, dans quelques cas, elle en aurait gagné la totalité.

On pourra cependant objecter qu’une prime d’exportation étant une mesure de police intérieure, ne peut pas facilement être imposée par la mère-patrie.

S’il convenait à la Jamaïque aussi bien qu’a la Hollande de faire un échange réciproque des produits de chacun de ces pays, sans l’intervention de l’Angleterre, il est bien certain que, si l’on y mettait obstacle, les intérêts de la Hollande et de la Jamaïque en souffriraient ; mais si la Jamaïque est forcée d’envoyer ses produits en Angleterre, pour les y échanger contre des marchandises hollandaises, il y aura un capital anglais et une agence anglaise employés dans un commerce dans lequel ni l’un ni l’autre n’auraient été engagés sans cela. Ce commerce y est attiré par une prime que l’Angleterre ne paie pas, et qui est payée par la Hollande et la Jamaïque.

Que la perte supportée en raison d’une distribution désavantageuse du travail dans deux pays, puisse être profitable à l’un des deux, tandis que l’autre souffre une perte encore plus forte que celle qui résulte immédiatement d’une telle distribution, c’est une opinion qu’Adam Smith lui-même a adoptée ; et si elle est vraie, ce sera une preuve décisive qu’une mesure qui peut être très-nuisible à une colonie, peut être d’un avantage partiel pour la mère-patrie.

En parlant des traités de commerce, Adam Smith s’exprime ainsi :

« Quand une nation s’oblige, par un traité, de permettre chez elle