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et honnête, le millionnaire qui ouvre un crédit à des directeurs de chemins de fer ou de canaux, s’exposent à des pertes, et ils stipulent même certaines conditions destinées à compenser ces chances fâcheuses. Les Banques ne font pas autre chose. Elles n’avancent point des marchandises, mais du papier qui représente l’or de ses actionnaires ; et cet or lui-même est une marchandise, purement et simplement, dont le prix s’élève ou s’abaisse suivant que les mines sont plus ou moins fécondes, les denrées plus ou moins abondantes, le luxe plus ou moins exigeant. Si l’on veut même aller au fond des choses, on verra que le capital social des Banques se compose des fonds versés par les actionnaires et des marchandises ou valeurs possédées par les individus qui présentent leurs billets à l’escompte. Les Banques ne sont ainsi que des intermédiaires actifs et intelligents qui s’interposent entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas, et qui permettent à des négociants de disposer à l’instant même des fonds qu’ils n’auraient pu recueillir que plus tard.

Par la toute-puissance du crédit, elles mûrissent en un jour des germes qui n’eussent été mûrs que longtemps après ; elles avancent d’une saison les moissons de l’industrie, et, centres vivifiants, elles attirent tous les capitaux, monnayés ou non, pour les faire rayonner de toutes parts, comme le cœur concentre et répartit ensuite le sang dans notre organisme. D’où résultent trois conséquences importantes : — 1o  la nécessité pour les institutions de crédit de réaliser sérieusement leur fonds social et de n’imiter en rien la Banque d’Angleterre, dont le capital s’est englouti dans les caisses de l’Échiquier, ni les Banques d’Amérique qui, pour la plupart, n’ont eu de fonds que sur leurs prospectus ; 2o  la nécessité de n’escompter qu’un papier éprouvé, fortement garanti, puisque ce papier forme indirectement partie du capital social ; 3o  la nécessité de ne pas faire intervenir l’État dans des questions où son influence a toujours été fâcheuse et doit être tout au moins inutile, puisqu’il n’est pas de monarchie, constitutionnelle ou non, de roi guérissant les écrouelles ou le haut mal, qui puissent faire qu’une famine n’entraîne d’horribles catastrophes, que ces catastrophes n’entraînent la faillite d’un grand nombre de maisons et ne réagissent sur le fonds social des Banques, — cette garantie suprême et trop oubliée des billets.

Pour bon nombre d’esprits, et des plus élevés, comme nous l’avons déjà dit, la constitution sévère et complète du fonds social ne suffit pas, non plus que la solidité manifeste du papier escompté. Il faut encore qu’on détermine par arrêté législatif la proportion de la réserve en espèces, qu’on organise un crédit de l’État, comme on a voulu organiser une religion de l’État, des chemins de fer de l’État, une instruction de l’État, et même des fabriques de calicots et de bonnets de coton de l’État, portant le nom d’ateliers nationaux. Ainsi on a voulu faire du droit de créer le papier un droit régalien comme celui de battre monnaie ; on s’est fortement ému de