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et non sur un trône de papier et de nuages ; mais nous voulons que cette fermeté s’allie à la souplesse et que le ressort des Banques se tende et se détende avec une égale facilité. Nous voulons que la monnaie ne soit pas quelque chose d’hypothétique et d’idéal comme ces roulades et ces points d’orgue dont se contentait le dilettante fanatique du Bouffe et du Tailleur ; nous sommes fiers de la communauté d’idées qui nous rattache, sous ce rapport, à des publicistes aussi éminents, aussi profondément versés que MM. Faucher, Mel Chevalier, J. Wilson, dans les analyses sévères qui constituent la science du crédit ; nous devons même hésiter à rejeter des doctrines que tant de talent protège et que la main puissante de Robert Peel a inscrites dans les lois anglaises ; mais il nous semble qu’il n’est pas de compromis à faire avec la vérité, et que ces doctrines, dont le bill de 1844 a été le prélude fort caractéristique, peuvent bien être discutées, puisque le pays le plus avancé en matière économique, l’Angleterre, les déclare impuissantes et même dangereuses.

Le problème a donc glissé, selon nous, des mains de Ricardo sans avoir été résolu, et cela pour deux raisons fort distinctes. La première, c’est qu’il n’a pas remonté, dans ses savantes analyses, aux sources mêmes de la circulation ; — la seconde, c’est que pour n’avoir pas reconnu la puissance de régularisation, de contrôle que le crédit exerce sur lui-même, il a été entraîné à demander aide et assistance à l’État, et à chercher dans des règlements illusoires l’équilibre qui découlerait naturellement d’un régime de liberté. Ces deux raisons, par la décision logique de son esprit, devaient pénétrer naturellement dans ses projets et y devenir deux erreurs. Voici comment.

Le crédit, c’est la commandite en grand du travail, c’est le capital d’hier, d’aujourd’hui, confié, à l’homme qui doit le féconder pour en faire le capital de demain ; c’est le prêt fait aux générations actives et jeunes par les générations qui ont terminé leur œuvre ; c’est le passé qui s’accouple avec l’avenir pour accroître les richesses sociales. Le capital se trouve donc ainsi constamment en avances avec le travail ; et comme le commerce, l’industrie, toutes ces choses qui font entrer l’avenir dans leurs calculs sont choses aléatoires, cette commandite, dont nous parlons, sous quelque forme qu’elle se présente, reste soumise aux hasards et aux oscillations des événements. Les famines, les crises commerciales, les sinistres de tous genres sont les redoutables inconnues qui attendent l’homme. Et dans ces faillites de l’avenir au présent et au passé, lorsque le travailleur perd le prix de ses sueurs et de son temps, le capitaliste perd l’intérêt de son capital et ce capital lui-même, comme pourraient le certifier les actionnaires, — ces Curtius fatalement dévoués à combler tous les gouffres financiers.

Le négociant qui confie des marchandises à un homme qu’il croit intelligent, le rentier qui confie des fonds à un gouvernement qu’il croit stable