Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’étranger, ce qui convient le mieux aux citoyens, convient le mieux à l’État : ainsi, quand on met des entraves à l’exportation que les particuliers seraient tentés de faire de métaux précieux, on ne fait autre chose que les forcer à remplacer cet envoi par un autre moins profitable pour eux et pour l’État.

« Qu’on fasse bien attention que je dis seulement, dans ce qui a rapport au commerce avec l’étranger ; car les gains que font les négociants sur leurs compatriotes, comme ceux qu’ils font dans le commerce exclusif des colonies, ne sont pas, en totalité, des gains pour l’État. Dans le commerce entre compatriotes, il n’y a de gain pour tout le monde que la valeur d’une utilité produite[1]. » Liv. I, chap. 22, § I.

Je ne comprends pas cette différence entre les profits du commerce intérieur et ceux du commerce étranger. L’objet de tout commerce est d’augmenter la production. Si, pour acheter une pipe de vin, je peux exporter des lingots qui ont été achetés moyennant le produit du travail de cent jours, et que le gouvernement, en défendant l’exportation des lingots, me force à acheter mon vin au moyen d’une denrée qui me coûte la valeur produite par le travail de cent cinq jours, je perds le fruit de ces cinq jours de travail, et l’État le perd aussi bien que moi. Mais si ces transactions avaient lieu entre particuliers, dans différentes provinces d’un même pays, les individus et l’État en tireraient les mêmes avantages si les acheteurs étaient libres dans le choix des marchandises qu’ils donneraient en paiement ; et les mêmes désavantages, si le gouvernement forçait les particuliers à acheter avec des marchandises qui offriraient moins d’avantages. Si un fabricant peut, avec le même capital, travailler une plus grande quantité de fer là où le charbon abonde, que là où

  1. Les passages suivants ne sont-ils pas en contradiction avec celui que je viens de citer ?

    « Outre qu’en tous pays le commerce intérieur, quoique moins aperçu, parce qu’il est en toutes sortes de mains, est le plus considérable, c’est aussi le plus avantageux. Les envois et les retours de ce commerce sont nécessairement les produits du pays. » Traité d’Économie politique, liv. I, chap. 9.

    « Le gouvernement anglais n’a pas fait atttention que les ventes les plus profitables sont celles qu’une nation se fait à elle-même, parce qu’elles ne peuvent avoir lieu qu’autant qu’il y a, par cette nation, deux valeurs produites : la valeur qu’on vend et celle avec laquelle on achète. » Ibid., liv. I, chap. 7.

    Dans le xxvie siècle chapitre de cet ouvrage, je me propose d’examiner la solidité de cette doctrine. (Note de l’Auteur.)