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Les manufacturiers eux-mêmes, en leur qualité de consommateurs, auraient payé ces produits plus cher, et par conséquent il n’est pas exact de dire que « le surhaussement de prix occasionné, par les règlements des maîtrises et par de forts droits sur l’importation des produits étrangers, est partout, et en dernier résultat, payé par les propriétaires, les fermiers et les ouvriers du pays. »

Il est d’autant plus nécessaire d’insister sur ce point, que les propriétaires fonciers allèguent à présent l’autorité d’Adam Smith pour prouver qu’il faut mettre de pareils et de forts droits sur l’introduction des blés étrangers. C’est ainsi que les frais de production, et, par conséquent, le prix de plusieurs objets manufacturés, ayant augmenté pour les consommateurs par suite d’une faute de législation, on a, sous prétexte de justice, exigé de la nation qu’elle consentît à endurer de nouvelles extorsions. Parce que nous payons tous plus cher le linge, la mousseline et les tissus de coton, on croit qu’il est juste que nous payions le blé également plus cher. Parce que, dans la distribution générale du travail sur notre globe, nous avons empêché que le travail, chez nous, fournit la plus grande quantité possible de produits manufacturés, on voudrait nous en punir encore en diminuant les facultés productives du travail employé à la création des fruits de la terre. Il serait bien plus sage d’avouer les fautes qu’un faux calcul nous a fait commettre, en commençant dès ce moment à revenir graduellement aux principes salutaires d’un commerce libre entre tous les peuples[1].

« J’ai déjà eu occasion, observe M. Say, de remarquer, en parlant de ce qu’on nomme improprement balance du commerce, que s’il convient mieux, au négociant du pays, d’envoyer des métaux précieux à l’étranger, plutôt que toute autre marchandise, il est aussi de l’intérêt de l’État que ce négociant en envoie ; car l’État ne gagne et ne perd que par le canal de ses citoyens ; et, par rapport à

  1. Il suffirait de la liberté du commerce pour protéger un pays comme la Grande Bretagne, abondamment pourvu des différents produits de l’industrie humaine, des marchandises propres à satisfaire les besoins de toute société, contre le retour de la disette. Les nations de la terre ne sont pas fatalement condamnées à tirer constamment au sort celle qui, parmi toutes, devra s’éteindre dans la famine. À prendre le globe dans son ensemble, les subsistances y abondent toujours : et pour jouir à jamais d’un riche approvisionnement, nous n’avons qu’à renoncer à nos prohibitions, à nos restrictions, et à cesser de lutter contre les vues bienfaisantes de la Providence. (Article sur la législation et, le commerce des céréales Supplément a l’encyclopédie britannique.)