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explication différente, en disant « qu’un homme doit être riche ou pauvre, selon qu’il peut disposer de plus ou moins de travail. » Cette manière de voir est essentiellement différente de la première, et est certainement inexacte ; car, supposons que les mines fussent devenues plus productives, en sorte que l’or et l’argent eussent baissé de valeur, par la plus grande facilité de leur production ; ou que le velours étant fabriqué avec beaucoup moins de travail qu’auparavant, la valeur en tombât de moitié ; la richesse de tous les consommateurs de ces articles se trouverait augmentée. Un particulier pourrait, dans ce cas, augmenter la quantité de sa vaisselle ; un autre pourrait acheter une quantité double de velours ; mais, quoique possesseurs de cette quantité additionnelle de vaisselle et de velours, ils ne pourraient pas employer plus d’ouvriers que par le passé ; car la valeur échangeable du velours et de la vaisselle ayant baissé, ils seraient obligés de sacrifier une plus grande portion de cette sorte de richesse au paiement de la journée de l’ouvrier. La richesse ne saurait donc être estimée par la quantité de travail qu’elle peut payer.

De tout ce qu’on vient de dire, il résulte que la richesse d’un pays peut s’accroître de deux manières : par l’emploi d’une portion plus considérable de revenu consacré à l’entretien des travailleurs, — ce qui non-seulement augmentera la quantité, mais encore la valeur de la masse des produits : ou encore, par l’augmentation des forces productives du même travail, — ce qui ajoutera à l’abondance, mais n’augmentera point la valeur des produits.

Dans le premier cas, non-seulement un pays deviendra riche, mais encore la valeur de ses richesses s’accroîtra. Il s’enrichira par l’économie, en réduisant ses dépenses en objets de luxe et d’agrément, et en employant le fruit de ses épargnes à la reproduction.

Dans le second cas, il se peut qu’il n’y ait ni réduction dans les dépenses de luxe et d’agrément, ni augmentation de travail productif employé ; mais avec la même quantité de travail, les produits seront plus considérables : la richesse s’accroîtra, mais non la valeur[1].

    Cette doctrine est fort importante ; elle est rigoureusement conforme à la nature des choses, et par conséquent inébranlable, et elle explique des difficultés où l’on s’est perdu jusqu’à présent. — J.-B. Say.

  1. Les deux hypothèses de M. Ricardo me semblent se réduire à ceci :

    Les richesses d’un pays s’augmentent de deux façons : soit lorsque les fonds