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de bas en échange d’une aune de drap. Si une pareille amélioration avait lieu dans la fabrication du drap, les bas et le drap s’échangeraient dans les mêmes proportions qu’auparavant ; mais ils auraient tous les deux baissé de valeur, puisqu’il faudrait en donner double quantité en les échangeant contre des chapeaux, de l’or ou d’autres marchandises en général, pour obtenir une quantité déterminée de ces objets. Que l’amélioration s’étende à la production de l’or et de toute autre denrée, et les anciennes proportions seront de nouveau rétablies. Il y aura double quantité de produits annuels, et par conséquent la richesse nationale sera doublée ; mais elle n’aura point augmenté de valeur[1].

  1. Toute cette doctrine est puisée dans mon Traité d’Économie politique (liv. II, chap. iv), mais l’auteur en tire une conclusion opposée, c’est-à-dire que la richesse n’est pas la même chose que la valeur, tandis que j’établis que la richesse n’est que la valeur des choses. Ce qu’il y a de singulier, c’est qu’Adam Smith dit dans une circonstance comme Ricardo, et dans beaucoup d’autres circonstances, comme moi. On sent bien que des auteurs d’un si grand sens, et accoutumés à ne juger que d’après l’observation, ne peuvent être divisés sur ce point essentiel que par un malentendu ; or, c’est ce malentendu qu’il faut éclaircir.

    Que la richesse n’est autre chose que la valeur courante des choses qu’on possède, c’est un point de fait. Lorsqu’on veut connaître ses richesses, on fait un état général de tout ce qu’on possède ; on met à la suite de chaque article le prix qu’on en pourrait tirer si l’on voulait s’en défaire ; et le total compose la richesse qu’on a voulu connaître. Mais il ne faut point perdre de vue les propriétés inhérentes à la valeur, parce que ces mêmes propriétés sont inhérentes à la richesse, qui n’est autre chose que de la valeur. Ces propriétés sont 1o d’être variables, ainsi que je l’ai dit dans ma précédente note : un inventaire n’indique une somme de richesses que pour le temps et le lieu où il est dressé. Dès le mois suivant peut-être, plusieurs prix auront varié, et il ne sera plus exact. Ces prix sont différents dans la ville voisine ; si l’on s’y transporte avec ses richesses, elles ne seront plus exactement les mêmes. En conclure que ce n’est pas de la richesse, ce serait vouloir conclure que la chaleur n’est pas de la chaleur, parce qu’il fait frais le matin et chaud à midi.

    Ces propriétés sont encore, 2o d’être relatives : c’est-à-dire que dans l’inventaire supposé, si l’évaluation totale de la propriété s’élève à 100,000 francs, Cela ne veut dire autre chose, sinon que la valeur de tous ces objets est égale à la valeur qu’ont, dans le même endroit, vingt mille écus de cinq francs pesant chacun vingt-cinq grammes au titre de d’argent fin. De ce que le rapport entre la valeur des effets et la valeur des écus peut cesser d’être la même, il ne s’ensuit pas encore que la valeur ne soit pas de la richesse ; il s’ensuit seulement que dans le moment de l’évaluation telle richesse en effets est égale à telle richesse en argent. Si les effets viennent à baisser de valeur, ou si l’argent devient plus précieux, le rapport ne sera plus le même ; il en résultera seulement que le posses-