Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

car la rareté des choses en augmente la valeur. Mais si Adam Smith a raison, si la richesse se compose des choses de nécessité et d’agrément ; dans ce cas elle ne saurait augmenter par la diminution de ces choses.

Il est vrai qu’une personne qui possède un objet rare, est plus riche, si, au moyen de cet objet, elle peut se procurer une plus grande quantité de choses nécessaires et agréables à la vie ; mais le fonds général duquel est tirée la richesse des autres personnes s’en trouve nécessairement diminué.

« Que l’eau devienne rare, dit lord Lauderdale, et qu’elle soit le partage exclusif d’un seul individu, sa richesse personnelle croîtra ; car l’eau, dans ce cas, aura une valeur ; et si la richesse nationale se compose de la somme des fortunes individuelles, par ce moyen la richesse générale se trouvera aussi augmentée. »

La richesse de cet individu augmentera, nul doute ; mais comme il faudra que le fermier vende une partie de son blé, le cordonnier une partie de ses souliers, et que tout le monde se prive d’une partie de son avoir dans l’unique but de se procurer de l’eau qu’ils avaient auparavant pour rien, ils seront tous appauvris de toute la quantité de denrées qu’ils sont forcés de consacrer à cet objet, et le propriétaire de l’eau aura un profit précisément égal à leur perte. La société jouira toujours de la même quantité d’eau et de la même quantité de denrées ; mais la distribution en sera différente. C’est cependant dans la supposition qu’il y a seulement monopole d’eau, et non disette ; car si l’eau manquait, la richesse nationale et individuelle se trouverait réellement réduite, en tant qu’elle serait privée d’une portion d’un des objets qui servaient aux jouissances générales. Non-seulement le fermier avait moins de blé à donner en échange pour les autres denrées qui pourraient lui être nécessaires ou agréables ; mais il éprouverait, comme tout autre individu, une diminution dans la jouissance d’un objet aussi essentiel à son bien-être. Il y aurait donc, non-seulement une répartition différente des richesses, mais il y aurait encore perte réelle de richesse.

C’est pourquoi l’on pourrait dire de deux pays qui posséderaient une quantité égale de toutes les choses nécessaires, utiles ou agréables à la vie, qu’ils sont également riches ; mais la valeur de leurs richesses respectives dépendra de la facilité ou difficulté comparative avec laquelle ces richesses sont produites. Si une machine perfectionnée nous donnait le moyen de faire deux paires de bas, au lieu d’une, sans employer plus de travail, on donnerait double quantité