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égale en valeur à la quantité produite avant ce perfectionnement, il y a aussi un effet produit sur la portion de marchandises non encore consommées, et qui ont été fabriquées avant l’introduction des procédés perfectionnés. La valeur de ces marchandises se trouvera réduite ; car il faut qu’elle tombe, à quantités égales, au niveau de celle des marchandises produites sous l’influence des procédés perfectionnés ; et la société, malgré la quantité augmentée de ses produits et le surcroît de richesse et de moyens de jouissance, aura, somme totale, moins de valeurs. En augmentant constamment la facilité de production, nous diminuons constamment la valeur de quelques-unes des choses produites auparavant, quoique, par ce même moyen, nous accroissions non-seulement la richesse nationale, mais encore la faculté de produire pour l’avenir.

Grand nombre d’erreurs, en économie politique, ont pris leur source dans cette manière fausse de regarder l’augmentation de la richesse et l’augmentation de la valeur comme des expressions synonymes, et dans les fausses notions sur ce qui constitue la mesure commune de la valeur. L’un, regardant le numéraire comme la mesure de la valeur, croit qu’une nation devient riche ou pauvre, selon que ses produits, de quelque nature qu’ils soient, peuvent s’échanger contre plus ou moins de numéraire. D’autres regardent le numéraire comme un agent très-commode d’échange, mais non comme une mesure convenable, par laquelle on puisse estimer la valeur des choses ; d’après eux, la véritable mesure de la valeur, c’est le blé[1], et un pays est riche ou pauvre, selon que ses produits peuvent lui procurer en échange plus ou moins de blé. Il en est encore d’autres qui regardent un pays comme pauvre ou riche, selon la quantité de travail qu’il peut payer[2]. Mais pourquoi l’or, le blé ou le travail,

  1. Adam Smith dit « que la différence entre le prix réel et le prix nominal des » denrées et du travail, n’est point un objet de simple spéculation, mais peut, au » contraire, être quelquefois très-utile dans la pratique. » Je suis de son avis ; mais le prix réel du travail et des denrées ne peut pas plus être déterminé par leur prix en marchandises, qui est la mesure réelle adoptée par Adam Smith, que par ce qu’ils valent en or ou en argent, qui est la mesure nominale. L’ouvrier ne reçoit un prix réellement élevé pour son travail, que quand avec son salaire il peut acheter le produit de beaucoup de travail. (Note de l’Auteur.)
  2. M. Say (Écon. polit., liv. I, chap. II) conclut que l’argent a aujourd’hui à peu près la même valeur qu’il avait sous Louis XIV, « parce que la même » quantité d’argent achète la même quantité de blé. » (Note de l’Auteur.)

    Dans un autre endroit de mon Économie politique, je donne les raisons qui