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CHAPITRE XIX.

DES CHANGEMENTS SOUDAINS DANS LES VOIES DU COMMERCE.


Un pays très-riche en manufactures est particulièrement exposé à des revers et à des accidents temporaires, provenant du transport des capitaux d’un emploi dans un autre. Les demandes des produits de l’agriculture sont uniformes ; et elles ne sont pas sous l’influence de la mode, du préjugé ou du caprice. Pour la conservation de la vie, il faut de la nourriture, et dès lors la demande de subsistances doit se soutenir dans tous les temps et dans tous les pays. Il n’en est pas de même pour ce qui regarde les objets manufacturés, dont la demande dépend, non-seulement des besoins, mais encore du goût et du caprice des acheteurs. De plus, un nouvel impôt peut détruire les avantages comparatifs qu’un pays retirait auparavant de la fabrication d’une certaine marchandise, ou bien la guerre peut faire tellement hausser le fret et l’assurance, que ces produits manufacturés ne puissent plus soutenir la concurrence avec les ouvrages fabriqués dans les différents pays où ces produits étaient exportés auparavant. Dans tous ces cas, ceux qui se trouvent engagés dans la fabrication de ces articles, éprouveront une grande crise, et feront sans doute quelques pertes. Ces maux seront sentis, non-seulement au moment du changement, mais encore pendant tout l’intervalle qui s’écoulera avant que les industriels donnent une nouvelle direction à leurs capitaux et aux bras dont ils disposent, en les dirigeant vers un autre genre d’industrie.

Le mal ne se fera pas sentir seulement dans le pays où ces difficultés ont pris naissance : il s’étendra également à ceux où ce pays exportait auparavant ses marchandises. Nul pays ne peut longtemps importer, sans exporter en même temps, comme il ne saurait exporter longtemps sans importer. S’il arrive donc quelque circonstance qui empêche un pays d’importer la quantité ordinaire de marchandises étrangères, la fabrication de quelques-uns des objets que l’on exportait ordinairement diminuera nécessairement ; et quoique la valeur