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ou sur la rente. C’est un impôt qui pèse d’une manière accablante sur les profits du fermier, et qui peut, par conséquent, être regardé

    l’hypothèse et des souscriptions : sans doute les règlements veulent que le mari soit séparé de sa femme et de ses enfants, et qu’il impose à son âme cette privation momentanée au profit de son corps* ; sans doute, enfin, le Work-house a pris aux yeux du pauvre une teinte morne, une physionomie de geôle qui l’en éloigne souvent ; mais tous ceux qui ont visité ces établissements, et ont suivi attentivement les résultats de la réforme de 1834, doivent rester convaincus de l’éminente supériorité de la loi actuelle et de l’exagération outrée de la plupart des élégies écrites à l’adresse des dignitaires de Sommerset-Street. Nous en avons parcouru plusieurs, sous le coup de ces préventions que nous prenions pour une philanthropie éclairée, et nous avons été doucement surpris de voir régner partout l’ordre, la propreté, l’abondance, la décence. Certes, dans un asile ouvert à toutes les infirmités, et où l’on peut entendre gémir l’enfant qui naît, à côté du vieillard qui expire, on ne peut espérer trouver la gaîté, la fraîcheur d’un pensionnat de demoiselles : mais ce qu’on y cherche, c’est un travail modéré, c’est une nourriture abondante, c’est une infirmerie constamment et largement pourvue ; c’est, en un mot, une existence assurée. Ces choses, je les ai rencontrées presque partout, et là où elles n’existent pas, le cri de l’opinion, le contrôle des inspecteurs, la rumeur publique les font bientôt rétablir.

    Il est triste, j’en conviens, je le déplore, de vendre au travailleur l’existence matérielle au prix de sa liberté et des joies de la famille ; mais les abus, qui accompagnent tout système de charité légale, sont bien autrement déplorables. Mieux vaut, mille fois les scandales isolés du régime actuel que le spectacle des luttes honteuses que se livraient les paroisses entre elles pour se décharger de l’entretien des indigents, sous prétexte de je ne sais quelles conditions de domicile : — comme si la charité était une affaire de clocher, et comme si, en passant d’un bourg à un autre, on pouvait perdre le droit d’être secouru par ses frères. — La grande et forte main du pays s’est substituée aujourd’hui, a ces petits égoïsmes locaux ; et si l’on ne voit plus, comme jadis, les pauvres se marier pour percevoir double taxe, des filles estimées d’autant plus précieuses qu’elles ont plus de bâtards à offrir en dot à l’époux, et les enfants pulluler comme autant de titres à la bienfaisance publique ; si l’on ne voit plus les paroisses acquitter la plus grande partie du salaire des agriculteurs, et les indigents se livrer à ce farniente délectable, à cette flânerie de lazzarone, que M. Gustave de Beaumont nous a dépeints si spirituellement ; en revanche, on ne voit plus les ouvriers honnêtes repoussés impitoyablement des Work-houses, ni une cour d’assises juger en un an 4,700 conflits entre les paroisses et les indigents. Exécuté avec bienveillance, le régime actuel nous paraît donc fort supportable. Il ne présente ni le gaspillage ruineux d’une bienfaisance publique aveugle, ni les caprices de la charité privée, dont il seconde d’ailleurs les généreux efforts, en faisant donner par l’État l’exemple de la sollicitude pour les classes ouvrières. Plus doux, il manquerait

:*. On peut consulter pour connaître l’ensemble de l’acte de 1834, les notes que M. Garnier, intelligence vive et lucide, a jointes à son beau travail sur l’Essai de Malthus. — Edit. Guillaumin.