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emploi. La facilité d’accumuler ne s’est augmentée dans le pays que de la différence entre les profits obtenus dans le dernier de ces emplois et ceux qu’on obtenait dans le précédent[1].

Que les impôts soient assis sur le revenu ou sur le capital, ils diminuent la matière imposable d’un État. Si je cesse de dépenser 100 l. en vin, parce qu’en payant un impôt de cette valeur, j’ai mis le gouvernement à portée de dépenser ces 100 l. au lieu de les dépenser moi-même, il y a nécessairement une valeur de 100 l. de marchandise retirée de la liste des choses imposables. Si le revenu des habitants d’un pays est de 10 millions, ils posséderont au moins pour 10 millions de valeurs imposables. Si, en frappant d’un impôt une partie de ces valeurs, on en met un million à la disposition du gouvernement, le revenu des habitants restera toujours nominalement de 10 millions, mais il ne leur restera que 9 millions de valeurs imposables. Il n’y a pas de cas où l’impôt ne diminue les jouissances de tous ceux sur qui il tombe en définitive, et il n’y a d’autre moyen d’augmenter de nouveau ces jouissances, que l’accumulation d’un nouveau revenu.

L’impôt ne peut jamais être si équitablement réparti qu’il influe dans la même proportion sur la valeur de toutes les choses, en les maintenant toutes dans la même valeur relative. Il agit souvent, par ses effets indirects, d’une manière qui s’écarte beaucoup des vues du législateur. Nous avons déjà vu que l’effet d’un impôt direct sur le blé et les produits agricoles est, dans le cas où le numéraire serait un produit du pays, de faire monter le prix de toutes les marchandises à proportion que les produits agricoles en font partie, et par là de détruire le rapport naturel qui existait auparavant entre elles. Un autre de ses effets indirects, c’est

  1. Rigoureusement parlant, M. Ricardo, a, dans ce cas-ci, raison contre moi. Certes, si tous les capitaux étaient aussi bien employés qu’ils peuvent l’être, on ne pourrait donner de l’accroissement à une industrie sans retirer à une autre une partie de ses instruments ; mais dans la pratique rien ne se fait avec cette rigueur. Une industrie qui s’élève, et surtout lorsqu’elle se compose de petites entreprises, comme le commerce de la marée, s’élève au moyen d’une foule de petites sommes mises en réserve, et qui n’avaient souvent aucun utile emploi. On les met au jour, on ne craint pas de les hasarder lorsqu’une occasion favorable se présente. Plusieurs industries comme celle-ci exigent peu de capitaux. La marée ne pouvant se conserver plus de trois ou quatre jours, il faut qu’elle soit revendue presque aussitôt qu’achetée ; elle n’admet pas de longues avances. — J.-B. Say.