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salaires, en haussant trop, se trouveraient hors de proportion avec l’état de ce fonds En mettant l’impôt sur les salaires, la récompense accordée à l’ouvrier étant trop faible, ne se trouverait pas non plus proportionnée à ce fonds. L’équilibre naturel entre les profits et les salaires se rétablirait, dans un cas, par la baisse, et dans l’autre, par la hausse des salaires en monnaie.

Un impôt sur les salaires ne pèse donc pas sur le propriétaire, mais il porte sur les profits du capital. Il « n’autorise ni n’oblige le maître manufacturier à le reporter avec un profit sur le prix de ses marchandises ; » car il ne pourra pas en augmenter le prix, et il doit par conséquent supporter en entier, et sans compensation, tout le fardeau d’un tel impôt[1].

Si l’effet des impôts sur les salaires est tel que je viens de le décrire, ces impôts ne méritent point la censure dont le docteur Smith les a frappés. Voici ce qu’il dit au sujet de tels impôts : « On dit que ces impôts et quelques autres du même genre, en faisant monter le prix du travail, ont ruiné la plupart des manufactures de Hollande. Des impôts semblables, quoique pas tout à fait aussi lourds, ont lieu dans le Milanais, dans les États de Gênes, dans le duché de Modène, dans les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla, et dans l’État de l’Église. Un auteur français, de quelque réputation, a proposé de réformer les finances de son pays, en substituant à la plus grande partie des autres impôts, cette espèce d’impôts, la plus ruineuse de toutes : — Il n’y a rien de si absurde, dit Cicéron, qui n’ait été avancé par quelque philosophe, » — Dans un autre endroit il dit : « Les impôts sur les choses de nécessité, en faisant monter les salaires du travail, tendent nécessairement à faire monter le prix de tous les objets manufacturés, et par conséquent à en diminuer la vente et la consommation. »

Ce genre d’impôt ne mériterait point une pareille censure, quand même le principe posé par le docteur Smith serait exact : — à savoir que ces impôts tendent à faire monter le prix des objets manufactu-

  1. M. Say paraît être imbu de l’opinion générale sur ce point. En parlant du blé, il dit : « De là il résulte encore que son prix influe sur celui de tous les autres produits. Un chef d’entreprise, fermier, manufacturier, ou négociant, emploie un certain nombre d’ouvriers, qui tous ont besoin de consommer une certaine quantité de blé. Si le prix du blé augmente, il est obligé d’augmenter dans la même proportion le prix de ses produits. » Liv. I, chap. xvii. (Note de l’Auteur)