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Cela aurait lieu plus particulièrement pour ce qui regarde un métal servant de monnaie que pour toute autre marchandise ; car il n’y a pas de demande pour une quantité définie de numéraire, comme il y en a pour des objets d’habillement ou de nourriture. La demande de numéraire n’est réglée que par sa valeur, et sa valeur dépend de sa quantité. Si l’or valait le double de ce qu’il vaut, la moitié de la quantité actuelle remplirait les mêmes fonctions dans la circulation ; et si l’or ne valait que la moitié de sa valeur actuelle, il en faudrait le double pour les besoins de la circulation. Si le prix courant du blé augmentait d’un dixième par l’effet de l’impôt ou par la difficulté de la production, il se pourrait que la consommation du blé n’éprouvât aucun changement ; car, chacun n’ayant besoin que d’une quantité définie de blé, il continuerait à la consommer tant qu’il aurait les moyens de l’acheter. Mais pour ce qui regarde le numéraire, la demande en est exactement en raison de sa valeur. Personne ne pourrait consommer le double du blé qui lui est ordinairement nécessaire pour sa nourriture ; mais tout le monde, quoique n’achetant et ne vendant que la même quantité de marchandises, peut avoir besoin d’employer deux, trois, ou un plus grand nombre de fois autant d’argent.

L’argument dont je viens de me servir ne s’applique qu’aux pays dont la monnaie est métallique, et où il n’y a point de papier-monnaie. L’or, ainsi que toute autre marchandise, a une valeur courante qui se règle en définitive par le degré comparatif de facilité ou de difficulté de la production ; et quoique, par sa nature durable et par la difficulté d’en diminuer la quantité, il ne soit pas très-sujet à éprouver des variations dans son prix courant, cette difficulté augmente encore beaucoup en raison de ce qu’il sert de monnaie. Si la quantité de l’or, considéré uniquement comme marchandise, n’était, dans le marché, que de dix mille onces, et que la consommation de nos manufactures fût de deux mille onces par an, l’or pourrait hausser d’un quart ou de 25% de sa valeur dans un an, si l’approvisionnement annuel venait à être retiré ; mais si, en raison de ce qu’il sert de monnaie, sa quantité était de cent mille onces, il faudrait dix ans pour que la valeur de l’or pût hausser d’un quart. Comme la monnaie de papier peut être très-facilement réduite en quantité, sa valeur, quoique réglée d’après celle de l’or, augmenterait aussi rapidement que le ferait celle de ce métal, s’il n’avait aucun rapport avec la monnaie.

Si l’or n’était que le produit d’un seul pays, et si ce métal était