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dit d’une manière éternelle des choses éternelles, car la nature a toujours les mêmes sourires et les mêmes abîmes pour le peintre, les mêmes voix pour le maëstro, et les mêmes passions pour le poète. Mais l’homme qui discute, qui dirige, qui réforme, il faut aller le chercher dans la mêlée des événements où s’accomplit sa forte et belle mission. C’est ce que nous venons de faire pour Ricardo, et il nous sera facile maintenant de détacher sa physionomie des physionomies contemporaines.


Si la vie d’un homme ne mérite d’être racontée que lorsqu’elle présente à l’imagination des épisodes saisissants et des coups de théâtre animés par la passion, le génie ou la lutte, il n’est pas de biographie à faire sur Ricardo. À part sa conversion au Christianisme et son mariage avec une femme qu’il eut l’audace grande d’aimer malgré les ordres de son père : à part cette double révolte de sa conscience religieuse et de son cœur, sa vie ne présente rien de romanesque. Vous n’y trouverez aucune de ces aventures piquantes ou dramatiques qui illuminent un portrait ; et si Ricardo touche par quelques points à Law, ce n’est pas à coup sûr par des intrigues musquées, par des duels de raffinés, par les contrastes saisissants d’une opulence qui ruisselle sur des tables de jeu on dans les coulisses de l’opéra, et d’un abaissement que relèvent à peine des éclairs de génie et de hardis projets. Mais si l’exemple d’un homme qui débute par la pauvreté et l’obscurité, pour arriver, à force d’intelligence, de labeurs, de méditations sérieuses, à franchir tous les échelons de la société, à diriger l’opinion publique, à parler à son pays du haut d’un husting et au monde entier du haut de la tribune parlementaire ; si le labeur implacable qui accumule des millions entre les mains d’un simple courtier du Stock-Exchange et l’arme du vote législatif comme d’un fragment de sceptre : si tant de persévérance et de talent ne manque ni d’intérêt, ni d’enseignements, la biographie de Ricardo mérite, à coup sûr, d’être écrite : car ce noble exemple il l’a donné ; car il a été humble et il est devenu influent par la fortune, par la position politique ; car enfin, M. Mill, son ami, une des lumières trop tôt évanouies de l’économie politique a dit de lui : — « Son histoire offre un exemple bien encourageant. Il avait tout à faire et il remplit sa tâche. Que la jeune âme qui s’élance par le désir au-dessus de la sphère où elle a été placée ne désespère pas, au spectacle de cette belle carrière, d’atteindre aux rangs les plus élevés dans la science, dans la politique. Ricardo avait à faire sa fortune, à former son esprit et même à commencer son éducation, sans autre guide que sa sagacité pénétrante, sans autre encouragement que son énergique volonté. Et c’est ainsi que tout en se créant une immense fortune il étendit son jugement, et doua sa pensée d’une force qui n’a jamais été dépassée. »

Toute la vie de Ricardo est dans ce noble éloge. Pour la connaître, il faut l’aller chercher dans ses œuvres, toutes écrites sur la brèche et qui portent