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« Une loi commande qu’on lève en nature un douzième des fruits de la terre, quels qu’ils soient. On enlève en conséquence, au premier, des gerbes de blé pour une valeur de 1,000 fr., et au second, des bottes de foin, des bestiaux ou des bois pour une valeur de 1,000 fr. également. Qu’est-il arrivé ? C’est qu’on a pris à l’un le quart de son revenu, qui se montait à 4,000 fr., et à l’autre, le dixième seulement du sien, qui se montait à 10,000 fr. »

« Chacun en particulier n’a pour revenu que le profit net qu’il fait après que son capital, tel qu’il était, se trouve rétabli. Un marchand a-t-il pour revenu le montant de toutes les ventes qu’il fait dans une année ? Non, certes ; il n’a de revenu que l’excédant de ses rentrées sur ses avances, et c’est sur cet excédant seul qu’il peut payer l’impôt sans se ruiner. »

L’erreur dans laquelle M. Say est tombé dans ce passage, consiste à supposer que, parce que la valeur du produit de l’une de ces propriétés (après que le capital de l’agriculteur est rétabli) est plus grande que la valeur du produit de l’autre terre, le revenu net de chacun des cultivateurs doit différer dans la même proportion. M. Say a entièrement négligé de tenir compte de la rente que chacun de ces cultivateurs paie. Il ne peut y avoir deux différents taux de profits dans un même emploi, et par conséquent, quand les produits sont en proportions différentes par rapport au capital, c’est la rente qui diffère et non les profits. Sous quel prétexte pourrait-on souffrir qu’un homme retirât, d’un capital de 2,000 fr., un profit net de 10,000 fr., pendant qu’un autre, avec un capital de 8,000 fr., ne pourrait en retirer que 4,000 fr. ?

Que M. Say tienne compte de la rente ; qu’il considère aussi l’effet qu’un semblable impôt aurait sur les prix des différentes espèces de fruits de la terre, il verra que cet impôt n’est point inégal, et que les producteurs eux-mêmes n’y contribuent pas plus que toute autre classe de consommateurs[1].

  1. Si, dans mon Traité d’Économie politique, j’ai dit que l’impôt en nature, avec l’apparence d’être le plus équitable des impôts, en était le plus inégal, c’est après avoir prouvé, d’après Smith, dont je crois le raisonnement bon, que tous les impôts sur les terres, ou sur le produit immédiat des terres, tombent sur les propriétaires fonciers. Or, dans l’exemple cité, le produit net des deux terres, qui est pour l’une de 10,000 fr., et pour l’autre de 4,000 fr., n’est point ce qui compose le profit du fermier, c’est ce qui compose le profit du propriétaire, le fermage : non pas ce que le fermier gagne, mais au contraire ce qu’il paie. J’ai donc été