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quelles des capitaux pareils sont employés, rapporteront des quantités très-différentes de produits bruts. Si la terre, qui, au moyen d’un

    ciété commence là où la consommation des individus franchit les lignes sévères du besoin pour entrer dans le domaine infini et varié des choses d’agrément ou de luxe. C’est alors que l’impôt doit frapper, et frapper avec une énergie d’autant plus grande, que la consommation est plus facultative, plus futile : de telle sorte qu’au bas de l’échelle l’homme du peuple ne soit pas obligé de partager avec le fisc le morceau de pain que trempent ses sueurs, et qu’au sommet, au contraire, les grands seigneurs, les primadona et les vieilles marquises paient fort cher le droit d’avoir des chevaux pur sang, des rivières de perles et des king-charles. Eu un mot nous ne verrions, avec tant d’autres, aucun inconvénient à ce que la taxe fût de 100 pour 100 pour les mille superfluités qui égaient la vie des privilégiés d’ici-bas, s’il fallait acheter à ce prix le dégrèvement du sel, du vin, des lettres et nous trouverions fort raisonnable une loi qui, établissant une taxe de 2 pour 100 sur un revenu de 500 francs, grèverait de 3 pour 100 un revenu de 1000 francs, de 6 pour 100 un revenu de 10,000 fr., et ainsi de suite. Si même l’on objectait, ce que l’on a constamment objecté, que nous mentons au grand principe de la proportionnalité des charges, que nous oublions les notions les plus simples de l’arithmétique, nous dirions que la science sociale, opérant sur des éléments sensibles et non sur des abstractions, ne doit pas chercher l’équilibre des charges publiques dans des formules mathématiques, fausses à force de vérité, mais bien dans une appréciation intelligente des droits, des besoins, des instincts de chacun. Vouloir que l’ouvrier qui a lentement accumulé à force de sueurs, de privations un revenu de 500 fr., paie au trésor 50 fr., par la raison que le grand propriétaire jouissant d’un revenu de 50,000 fr., paierait 5000 f., c’est vouloir que parce qu’un homme de vingt ans peut soulever un poids de 200 kilogrammes, un enfant de deux ans soulève un poids de 20 kilogrammes qui briserait ses faibles bras ; c’est vouloir l’absurde, l’injuste ; c’est ne tenir compte ni du développement des forces individuelles ni des nécessités sociales. Quoi qu’on dise ou fasse, en effet, il sera toujours plus facile pour le riche de renoncer à des voluptés gastronomiques, que pour le pauvre de renoncer à un pain noir qu’il brise parfois à coups de hache, comme dans les Alpes, comme en Suède, lorsque la faim le presse et que sa dent ne peut l’entamer.

    On a dit, il est vrai, — et sans remuer ici la question si vaste et si compliquée des impôts, il nous est permis d’en dresser l’état actuel et les contours généraux, — on a dit que l’impôt ainsi conçu, tendait, sous des apparences spécieuses, à décourager l’accumulation des capitaux par une sorte de maximum dirigé contre ceux qui grossissent leur fortune et leurs revenus : on a ajouté que, fatal sous ce rapport, notre système était de plus inefficace en ce que les consommations de luxe étant purement facultatives, les classes opulentes les délaisseraient pour éviter l’impôt. À la première accusation je réponds par cette simple réflexion, que s’il est bon de ne pas décourager l’accumulation,— ce qu’un impôt bien établi serait d’ailleurs bien loin de faire, — il est urgent et charitable de ne pas décourager le travailleur en rognant son modique salaire au moyen des octrois, des taxes sur les matières premières, etc. Qui n’aimerait mieux voir s’arrêter dans