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Un impôt foncier, assis également sur toutes les terres en culture, sans avoir égard à la différence des qualités, fera hausser le prix

    et ses prophètes dans les rangs des travailleurs, — penseurs, poètes, industriels, artistes, — il était naturel qu’on reconnût à ces créateurs, à ces soutiens de toute civilisation, le droit de n’être plus rançonnés à outrance sous prétexte de droit divin, de servage, de prolétariat. Après avoir réhabilité le travail, et la source d’où il s’épanche, le peuple, on était amené forcément à lui reconnaître le droit à la première place dans les jouissances sociales, le droit à la dernière dans les charges publiques : deux nécessités logiques que la Révolution publia par la terrible voix de ses canons, la science sociale par l’éloquente proclamation de Turgot, de Smith, et qui, après s’être imposées aux esprits, s’imposent de nos jours aux faits. Qu’est-ce, en effet, que le morcellement de la propriété, la diffusion des capitaux, la multiplication de ces caisses prévoyantes où l’épargne, comme une urne intarissable, verse les millions dus aux sueurs de l’ouvrier, et, trop souvent aussi, aux fourberies de nos laquais, — scapins éhontés qui déshonorent l’économie, achètent des chemins de fer et commanditent jusqu’à des dynasties espagnoles ou portugaises avec des sous pour livre, des gratifications et des bouts de bougie ? Qu’est-ce que l’abaissement de l’intérêt, et l’accroissement du salaire, si ce n’est un progrès évident vers le bien-être de la masse ? Et que sont, d’un autre côté, ces réformes incessantes dans la répartition des impôts ; ces lois qui dégrèvent les matières premières, ce pain de l’industrie ; les subsistances, ce pain des générations ; les lettres, les écrits, ce pain de l’intelligence et de l’âme ? Que sont ces décrets à l’allure passablement révolutionnaire qui, déplaçant les sources de l’impôt, tendent graduellement à l’asseoir, comme en Angleterre, sur des revenus fixes, des propriétés mollement étalées au soleil, — income-tax, property-tax, — et non sur les bases mouvantes et capricieuses du salaire ? Que sont, dis-je, toutes ces choses, si ce n’est l’allégement progressif du travail ?

    La première condition d’existence pour une société, c’est une légion innombrable d’ouvriers, toujours prêts à creuser le sol, à battre le fer ; et on s’est aperçu, après tant de siècles d’ignorance et d’iniquité, qu’il était absurde de décimer ou d’affaiblir ces bataillons, vraiment sacrés, en leur enlevant par mille taxes oppressives le sang de leurs veines, la moelle de leurs os. Le prolétaire a besoin de tout son salaire pour retrouver l’immense énergie qu’il déploie chaque jour dans la production : c’est le géant sur lequel repose le monde social ; et Atlas lui-même, qui étayait de ses vastes épaules l’univers ancien, eût succombé sous la tâche, s’il lui avait fallu payer la taxe sur le pain, sur le sel, sur la viande. Il est impossible de remuer cette noble science de l’Économie politique que nous définissons, pour notre part : la science du travail et de sa rémunération, sans se sentir entraîné par une immense sympathie pour tout ce qui pense, agit, crée ici-bas, sans chercher à traduire cette sympathie en formules protectrices et fortes ; et l’on ne doit pas s’étonner si J.-B. Say eut l’insigne honneur d’accumuler sur sa tête toutes les haines de la bureaucratie, par l’impitoyable rigueur avec laquelle il disséqua les budgets d’alors, et si les plaidoyers les plus énergiques contre les maltôtiers modernes sont partis des rangs des économistes. C’est qu’en effet ils sont les défenseurs nés des classes laborieuses et qu’ils ont,