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d’une ruse ou d’un coup d’audace sur les commis. Aux temps antiques, les contrebandiers étaient un symbole vivant de ruse et de courage ; et leurs descendants, qui offraient, hier encore, à R. Peel, de lui faire parvenir moyennant une prime modeste autant de foulards qu’il en faudrait pour le service du corps entier des douaniers de la Grande-Bretagne, leurs descendants, qui constituent encore en Espagne une classe opulente et fort peu méprisée, n’avaient certes pas dégénéré sous l’empire. Cent fois leurs chevaux, prohibés à l’entrée, franchirent les pantierès, emportant ainsi à la fois le délinquant et le corps du délit ; cent fois des marchandises anglaises passèrent triomphalement avec l’étiquette prussienne ou belge ; et dans un pamphlet remarquable, écrit par un homme qui ébauchait alors sur le papier les réformes qu’il devait obtenir pour son pays après un apostolat de sept années, où éclatent l’intrépidité d’une logique pressante, les ressources d’un chef de parti et le dévouement d’une âme généreuse ; dans ce pamphlet, disons-nous[1], on apprend qu’un certain marchand, fort connu de Bourienne, dirigeait une maison qui employait cinq cents chevaux à transporter des marchandises anglaises dans l’Esclavonie pour les faire pénétrer ensuite, en France, à raison de 700 fr. par quintal. Le transport, à ce prix, était cinquante fois plus élevé que le fret de Londres à Calcutta ! Ne vit-on pas, d’ailleurs, l’Empereur lui-même faire cause commune avec les Smugglers et défaire en détail son impraticable projet ? Imitant la tolérance catholique qui sait adoucir le jeûne pour les constitutions débiles et pour les dévots de choix, il accorda des licences à certains hauts dignitaires, lesquels les revendaient à beaux deniers comptants à des entrepreneurs de fraude. On cite d’illustres personnages qui ont fait à ce honteux trafic de fort belles fortunes ; et il est telle de ces licences qu’on acheta au prix exorbitant de un million. Le gouvernement anglais ne dédaigna pas de se mêler à cette vilaine besogne de maltôte et de contrebande, et on le vit favoriser ouvertement la création de titres faux, au moyen desquels les neutres éludèrent la vigilance de nos flottes et introduisirent sous pavillon d’Oldenbourg et d’autres puissances secondaires, d’énormes quantités de marchandises. Or, de tout cela il résulta uniquement que le commerce extérieur de l’Angleterre ne fut pas anéanti, mais que la France et ses alliés payèrent fort cher leurs matières premières et leurs consommations. Quelques chiffres le prouveront surabondamment. De 1801 à 1809, c’est à peine si les exportations de la Grande-Bretagne baissèrent de 37,200,000 liv. st. à 36,300,000 liv. st., ou de 2 pour cent. — Tant de bruit, de colères et de sacrifices pour si peu ! Toutefois des événements aussi graves devaient réagir d’une ma-

  1. England, Ireland and America by Richard Cobden.