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retenir 130 l., alors que cette somme, estimée en argent de Hambourg ou de Hollande, ne valait que 100 l.

En remettant à Hambourg 130 l. en bonnes espèces d’Angleterre, même avec 5 l. de frais, je recevrais à Hambourg 125 l. ; comment aurais-je donc pu consentir à donner 130 l. pour une lettre de change qui ne m’aurait produit à Hambourg que 100 l., si mes liv. sterling eussent été de bonnes espèces ? C’est qu’elles étaient dégradées, c’est que leur valeur intrinsèque était devenue moindre que celle des livres sterling de Hambourg, et qu’envoyées aux frais de 5 l., elles n’y valaient que 100 l. Personne ne nie qu’avec mes 130 l. en espèces métalliques je pusse avoir 125 l. à Hambourg ; mais avec des livres sterling en papier-monnaie je ne pouvais obtenir que 100 l. : et l’on voudrait cependant nous faire croire que 130 l. en papier valaient autant que 130 l. en argent ou en or !

D’autres ont soutenu avec plus de raison que 130 l. en papier ne valaient point en effet 130 l. en espèces métalliques ; mais ils prétendent que c’est le numéraire qui avait changé de valeur et non le papier-monnaie ; ils veulent n’appliquer le mot dépréciation qu’à une baisse de valeur, et non à une différence comparative entre la valeur de la monnaie et la mesure type d’après laquelle cette valeur est réglée par les lois. Cent livres sterling d’argent anglais valaient autrefois et pouvaient acheter 100 l. en argent de Hambourg ; et dans tout autre pays une lettre de change de 100 l. sur l’Angleterre ou sur Hambourg, pouvait pareillement acheter précisément la même quantité de marchandises. Cette même quantité de marchandises, je ne pouvais, dans les derniers temps, l’acheter que moyennant 130 l. d’argent anglais, tandis que Hambourg l’obtenait pour 100 l. en argent de Hambourg. Si donc l’argent anglais avait eu la même valeur qu’auparavant, il faudrait que l’argent de Hambourg eût haussé de valeur ; et quelle preuve en donne-t-on ? Comment déterminer si c’est l’argent anglais qui avait baissé, ou l’argent de Hambourg haussé ? Il n’y a point de mesure commune pour décider la question. C’est une assertion qui n’est point susceptible de preuves ; on ne peut ni l’admettre ni la combattre d’une manière positive. Tous les peuples de l’univers ont dû s’apercevoir de bonne heure qu’il n’existait point de mesure fixe dans la nature à laquelle on pût s’en rapporter sans crainte d’erreur ; c’est pourquoi ils choisirent un agent de circulation, qui, sous bien des rapports, leur parût moins variable que toutes les autres matières.