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et les objets nécessaires pour la consommation de l’ouvrier, nous découvrons un nouveau marché où nous puissions nous procurer ces objets à meilleur compte, les salaires devront baisser et les profits s’accroître. Mais, si ces choses que l’on obtient à meilleur compte, soit par l’extension du commerce étranger, soit par le perfectionnement des machines, ne servent qu’à la consommation des riches, le taux des profits n’éprouvera pas de changement. Le taux des salaires ne saurait changer, quoique le vin, les velours, les soieries, et autres objets de luxe, éprouvent une baisse de 50 pour cent ; et par conséquent les profits resteront les mêmes[1].

C’est pourquoi le commerce étranger, très-avantageux pour un pays, puisqu’il augmente le nombre et la variété des objets auxquels on peut employer son revenu, et qu’en répandant avec abondance les denrées à bon marché, il encourage les économies et favorise l’accumulation des capitaux, ce commerce, dis-je, ne tend nullement à accroître les profits du capital, à moins que les articles importés ne soient de la nature de ceux que l’ouvrier consomme.

  1. Cette assertion, pour être catégorique, n’en est pas moins parfaitement insoutenable. — Si les prix baissent, c’est que les sommes destinées à acheter ces velours, ces soieries, ces superfluités dont parle Ricardo, ont diminué ou pris une autre direction. Supposez une année de disette où les populations, inquiètes sur leur existence, voient leurs épargnes se dissiper en achats de blé ; une année où les appels de la faim étouffent tous les autres désirs, toutes les autres jouissances : supposez encore un revirement dans le goût des consommateurs, un de ces caprices soudains et inexplicables qui font préférer telle étoffe à telle autre, telle école de coiffure ou de parure à telle autre école, et dans les deux cas vous aboutissez à faire payer par l’industrie les frais de ces anomalies des saisons ou des esprits : — dans les deux cas, c’est le travail qui comble le déficit créé par la famine, les crises financières ou les mobiles décrets de la mode. Or, dès que l’on voit diminuer la somme de travail à répartir entre les ouvriers, dès que s’affaiblit la demande de bras, on peut en conclure hardiment que la valeur du travail, en d’autres termes, les salaires doivent bientôt fléchir. En effet, ce qui constitue la dotation de l’industrie, ce sont les capitaux ; si ces capitaux diminuent par la baisse des prix, il y a atteinte grave portée au budget des travailleurs, et, dès lors, la part de chacun doit s’affaiblir. Les profits de l’entrepreneur s’amoindrissent, et avec eux l’épargne au moyen de laquelle se créent les fortunes, et avec l’épargne, enfin, ces fortunes mêmes qui sont la source d’où naissent les salaires. Dire que les profits peuvent diminuer sans qu’une diminution analogue atteigne la rémunération de l’ouvrier, c’est donc dire que les sources d’un fleuve peuvent se tarir sans que le niveau du fleuve s’abaisse immédiatement ; c’est commettre une erreur que le souvenir des désastres de Manchester, de Spitalfieds, de Coventry et de l’Amérique eût dû épargner à Ricardo. A. F.