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selon la hausse ou la baisse des salaires. Mais si le prix du blé hausse, parce que sa production exige plus de travail, cette cause ne fera point hausser le prix des objets manufacturés dont la fabrication n’exige point de travail additionnel. Dans ce cas, si les salaires restent les mêmes, les profits ne changeront pas ; mais comme il est indubitable que les salaires montent par la hausse du blé, les profits alors doivent nécessairement baisser.

Si un fabricant donnait toujours ses marchandises pour la même somme d’argent, pour 1,000 liv. st., par exemple, ses profits dépendraient du prix du travail nécessaire pour leur fabrication. Ils seraient moindres avec des salaires de 800 livres qu’avec d’autres de 600 livres. À mesure donc que les salaires hausseraient, les profits diminueraient[1]. Mais si le prix des produits agricoles aug-

  1. Je vois, moi, dans ces deux faits un parallélisme, constant, inévitable même, et non cet antagonisme déplorable que signale Ricardo. Suivant lui, les salaires et les profits représenteraient les deux plateaux d’une balance, l’un s’abaissant tandis que l’autre s’élèverait : et comme le manufacturier peut toujours troubler l’équilibre à son profit, grâce aux capitaux dont il dispose, il s’ensuivrait que les profits suivraient une progression toujours ascendante. Or, il n’en est rien. Pour nous les intérêts de l’ouvrier et du chef d’industrie sont entièrement liés : greffés comme deux rameaux sur la production, ils ensuivent toutes les phases, prospérant ou languissant avec elle. En effet, n’est-ce pas sur le prix courant des marchandises que le manufacturier prélève son revenu et celui de l’ouvrier, et ce prix courant ne varie-t-il pas en raison des frais de production combinés avec l’abondance des produits ? Faites que les demandes soient actives, que les échanges se multiplient, que l’industrie fatigue les machines à produire, et vous, aurez élevé le prix des marchandises. Et comme une production animée nécessite des bras nombreux, le travail haussera de valeur inévitablement : — c’est l’époque où l’ouvrier commande et fait largement sa part dans le butin industriel. Faites, au contraire, que les besoins diminuent, que les magasins encombrés de produits réduisent au repos la plupart des usines, et vous voyez fléchir aussitôt le prix des marchandises. Or, comme un travail languissant est le signal de la désertion des ateliers, l’ouvrier voit s’anéantir ses ressources : — c’est l’époque où il fléchit le genou, pressé par la faim et par une concurrence acharnée. Mais dans tous les cas les chances sont les mêmes pour le travailleur et le capitaliste ; et s’il arrive que, même aux époques de prospérité manufacturière, l’ouvrier ne participe que faiblement aux bénéfices de la production, on peut être sûr que sa condition est bien plus douloureuse, plus poignante aux moments de crise et d’abaissement. L’exemple de l’Angleterre depuis ces dernières années suffirait seul pour démontrer la vérité de ces conclusions que nous dictent le bon sens et la logique. En 1838, 39 et 40, on vit les districts manufacturiers s’assombrir tout à coup, menacés par une disette imminente et par une crise qui devait être le contre-coup des crises financières de l’Amérique. Les manufacturiers,