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La nature du mal en indique le remède. En circonscrivant graduellement les lois des pauvres, et en cherchant à faire sentir aux indigents le prix de l’indépendance, en leur montrant qu’ils ne doivent plus compter sur les secours d’une bienfaisance systématique ou casuelle, et qu’ils n’ont d’autre ressource que celle de leur travail ; en leur prouvant enfin que la prudence est nécessaire et la prévoyance utile, on marchera par degrés vers un état de choses plus stable et plus salutaire[1].

Toute modification des lois sur les pauvres, qui n’aurait pas pour but leur abolition, ne mérite aucune attention ; et celui-là sera le meilleur ami des pauvres et de l’humanité qui pourra indiquer les moyens d’y parvenir de la manière à la fois la plus sûre et la moins violente. Ce n’est point en changeant d’une manière quelconque le mode actuel de lever les fonds pour l’entretien des pauvres, que le mal peut être diminué. Au lieu d’être une amélioration, cela ne ferait qu’aggraver encore les maux que nous voudrions détruire, si par là on levait un fonds plus considérable, ou s’il était prélevé, ainsi que quelques personnes l’ont proposé dernièrement, comme une contribution générale sur toute la nation. La manière actuelle de lever et d’appliquer cet impôt a contribué à mitiger ses funestes effets. Chaque paroisse lève un fonds pour l’entretien de ses pauvres. Par cette méthode, l’on est plus intéressé à modérer le taux de cette contribution, et cela devient plus praticable que si l’on imposait une contribution générale pour secourir les pauvres de tout le royaume. Une paroisse a bien plus d’intérêt à mettre de l’économie dans le mode de prélever les sommes imposées et dans la distribution des secours, — toute épargne étant pour elle un profit, — que si des centaines de paroisses avaient à partager ces fonds.

Et c’est cette cause qui a empêché le fonds des pauvres d’avoir

  1. Ces vues qui ne sont pas seulement d’un philanthrope, mais d’un philanthrope éclairé, font sentir l’Imbécillité des princes qui consacrent les événements heureux de leur règne par le mariage de quelques filles pauvres, c’est-à-dire qui se rejouissent en condamnant aux larmes, et peut-être à la mort, les familles qui naîtront de ces unions follement provoquées. Plutôt que de multiplier les créatures vivantes et susceptibles de souffrir, il vaudrait mieux favoriser la multiplication des moyens de subsistances, c’est-à-dire abolir les entraves à l’industrie, ne point emprunter, afin de laisser les capitaux chercher des emplois productifs, et diminuer les impôts qui augmentent la cherté des produits et par conséquent la difficulté de vivre ; mais ces moyens qui n’effraient point les bons princes, sont très-difficiles pour les mauvais. — J.-B. Say.