Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.

meilleur marché. Il ne paraît donc pas que la hausse des salaires puisse faire hausser le prix des denrées, soit que les métaux qui servent à la fabrication des monnaies se trouvent dans le pays, soit qu’ils viennent de l’étranger. Il ne peut y avoir une hausse dans toutes les denrées à la fois, sans qu’il y ait en même temps une augmentation de monnaie ; et cette quantité additionnelle, on ne saurait l’obtenir dans le pays même, ainsi que nous l’avons déjà prouvé, et l’on ne pourrait pas non plus la tirer du dehors. En effet, pour pouvoir acheter une plus grande quantité d’or, à l’étranger, il faut absolument que les denrées, chez nous, soient à bon marché. L’importation de l’or, et la hausse du prix de toutes les productions nationales, moyennant lesquelles on obtient ou on achète l’or, sont des effets d’une incompatibilité absolue. L’usage très-étendu du papier-monnaie ne change rien à la question ; car tout papier-monnaie se règle ou doit se régler par la valeur de l’or, et se trouve par conséquent sous l’influence des causes mêmes qui influent sur la valeur de ce métal.

Voilà donc les lois qui règlent les salaires et qui régissent le bonheur de l’immense majorité de toute société. Ainsi que tout autre contrat, les salaires doivent être livrés à la concurrence franche et libre du marché, et n’être jamais entravés par l’intervention du Gouverneur.

La tendance manifeste et directe de la législation anglaise sur les indigents est diamétralement en opposition avec ces principes, qui sont de toute évidence. Ces lois, bien loin de répondre au vœu bienfaisant du législateur, qui ne voulait qu’améliorer la condition des pauvres, n’ont d’autre effet que d’empirer à la fois et celle du pauvre et celle du riche ; — au lieu d’enrichir les pauvres, elles ne tendent qu’à appauvrir les riches. Tant que nos lois actuelles sur les pauvres seront en vigueur, il est dans l’ordre naturel des choses que les fonds destinés à l’entretien des indigents s’accroissent progressivement, jusqu’à ce qu’ils aient absorbé tout le revenu net du pays, ou au moins tout ce que le Gouvernement pourra nous en laisser après qu’il aura satisfait ses demandes perpétuelles de fonds pour les dépenses publiques[1].

  1. Si M. Buchanan, dans le passage suivant, n’a eu en vue qu’un état de misère passager, je suis entièrement de son avis. — « Le grand malheur de la condition de l’ouvrier, c’est l’indigence qui provient de la disette des vivres ou du manque d’ouvrage. Aussi a-t-on fait chez tous les peuples des règlements sans nombre pour venir à son secours. Mais il est dans l’état social des maux que la législation