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du manufacturier ; car il ne pourrait pas vendre sa marchandise plus cher, quoique les frais de production fussent augmentés. Nous re-

    ter, comme l’ont fait les socialistes et les pessimistes de toutes les sectes, la liberté sur la joue de l’économie politique.

    Et d’ailleurs la théorie, la logique démontrent tout cela bien avant les faits. Quel est ici-bas le capital du prolétaire ? le travail. Quel principe règle la valeur du travail, en fixe la rémunération ? l’offre et la demande des bras. Entre quelles limites extrêmes oscille cette rémunération ? entre le point où les salaires prélèveraient sur les profits une part trop large et qui mettrait le chef d’industrie dans l’impossibilité de continuer son œuvre, — danger peu redoutable, avouons-le : — et, d’un autre côté, le point où les salaires deviendraient insuffisants pour nourrir l’ouvrier. Le problème consiste donc à accroître constamment la somme de travail à répartir, afin d’élever la valeur de ce travail, et par conséquent de grossir le revenu du pauvre : il consiste encore à élargir la zone où il puise sa consommation, les marchés où se rendent les céréales, les bestiaux, les étoffes, afin de le faire participer au bénéfice de la concurrence la plus complète, la plus absolue. Laissez circuler le travail, laissez circuler les produits, toute la question est là, et, avec elle, le bonheur des classes laborieuses. Pour affaiblir entre les mains des propriétaires ce monopole formidable que couvre d’une sanction nécessaire, — sinon sacro-sainte, comme on l’a bien voulu dire, — le pacte social, il suffit de mettre à la disposition de tous, la terre qui appartient à tous, et de laisser se développer librement cette grande loi économique qui divise le travail parmi les nations, et fait cultiver par l’Indien ou l’Américain le sucre qui doit s’échanger contre les produits de l’Européen. L’espèce humaine a besoin d’un espace illimité pour entretenir ses membres toujours plus nombreux : c’est un flot qui grandit sans cesse, et à qui il faut les plages les plus vastes, sous peine de désordres, de calamités. Les quelques esprits égarés qui, par conviction, veulent le maintien de nos restrictions commerciales, c’est-à-dire l’appauvrissement de l’ouvrier par l’action combinée d’un travail moins actif et de subsistances moins abondantes ; les esprits égarés, dis-je, qui n’ont pas compris la fécondité des principes de liberté commerciale, et ceux qui, au contraire, plus nombreux, plus audacieux, ne veulent pas de ces principes, parce qu’ils en comprennent trop bien la grandeur, ne sauraient nier cependant qu’il faut à l’expansion naturelle des générations une sphère immense, où se nivelleront les besoins, les intérêts, les capitaux. L’univers est une immense ruche où les travailleurs doivent circuler librement de cellule en cellule. Tandis que sur les districts manufacturiers, agités par la fièvre de la production et par les crises financières, s’agglomèrent aujourd’hui des légions d’ouvriers qui les surchargent et les épuisent, d’énormes superficies de terrain restent incultes et désertes, attendant les capitaux et le travail pour épancher des monceaux de produits. Croit-on, par exemple, que si nos lois et les lois anglaises sur les céréales eussent été abolies, tout le territoire de la Pologne, de la Hongrie, de l’Ukraine, de l’Égypte, de l’Amérique, ne se fût pas couvert, comme par enchantement, de moissons qui, déversées sur l’Europe, eussent à la fois abaissé le prix des aliments, excité le travail de nos manufactures, la valeur du travail, et réfuté par l’éclat