Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout aussi favorables, le capital national pourrait fort bien avoir doublé en moins de temps. Dans ce cas, les salaires, pendant toute cette époque, tendront à hausser, parce que le nombre des bras sera toujours insuffisant pour le besoin qu’on en aura.

Dans des colonies nouvelles où l’on introduit les arts et les connaissances des pays plus avancés en civilisation, il est probable que les capitaux tendent à s’accroître plus vite que l’espèce humaine ; et si des pays plus peuplés ne suppléaient au manque de bras, cette tendance élèverait considérablement le prix du travail. À mesure que ces établissements deviennent plus peuplés, et que l’on commence à défricher des terrains de mauvaise qualité, les capitaux n’augmentent plus si rapidement ; car l’excédant des produits sur les besoins de la population doit nécessairement être proportionné à la facilité de la production, c’est-à-dire au petit nombre de personnes qui y sont employées. Quoiqu’il soit donc probable que, dans les circonstances les plus favorables, la production devance la population, cela ne saurait continuer longtemps ; car, l’étendue du sol étant bornée, et ses qualités étant différentes, à chaque nouvel emploi de capital, le taux de la production diminuera, tandis que les progrès de la population resteront toujours les mêmes.

Dans les pays où il y a des terres fertiles en abondance, mais où les habitants sont exposés, par leur ignorance, leur paresse et leur barbarie, à toutes les horreurs de la disette et de la famine, et où on a pu dire que la population se dispute les moyens d’alimentation, il faudrait y remédier autrement que dans les États depuis longtemps civilisés, et où la diminution des subsistances entraîne tous les maux d’une population excessive. Dans le premier cas, le mal vient d’un mauvais gouvernement, de l’instabilité de la propriété, de l’ignorance générale. Pour rendre ces populations plus heureuses, il suffirait d’améliorer le gouvernement, d’étendre l’instruction ; on verrait alors l’augmentation du capital dépasser nécessairement l’accroissement de la population, et les moyens de production iraient au delà des besoins de la nation. Dans l’autre cas, la population grandit plus vite que le fonds nécessaire à son entretien : et il arrivera que chaque nouvel effort de l’industrie, à moins d’être suivi d’une diminution dans les rangs du pays, ne fera qu’ajouter au mal : la production ne pouvant, marcher aussi rapidement que les naissances.

Pour un pays où l’on se dispute les subsistances, les seuls remèdes sont, ou un affaiblissement de la population ou une accumulation ra-