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denrées, celui des salaires et les profits des fonds sans avoir aucune influence sur le prix général des denrées, des salaires ou des profits ; après avoir, dis-je, reconnu ces effets qui se font également sentir à toutes les époques de la société, nous pouvons les négliger entièrement en traitant des lois qui règlent les prix naturels, les salaires naturels et les profits naturels, toutes choses indépendantes de ces causes accidentelles. En parlant donc de la valeur échangeable des choses, ou du pouvoir qu’elles ont d’en acheter d’autres, j’entends toujours parler de cette faculté qui constitue leur prix naturel, toutes les fois qu’elle n’est point dérangée par quelque cause momentanée ou accidentelle[1]

  1. La distinction entre le prix naturel et le prix courant que M. Ricardo admet après Smith, paraît être tout à fait chimérique. Il n’y a que des prix courants en économie politique. En effet, que voyons nous dans toute espèce de production ? 1o des services productifs fonciers (l’action productive de la terre), dont le prix courant s’établit comme la valeur de toute autre chose, en raison composée de la quantité de ce service, offerte et demandée en chaque lieu ; 2o des services rendus par des capitaux productifs dont le prix courant, le loyer, se règle sur les mêmes motifs ; 3o enfin des travaux de tout genre, dont le prix courant dépend des mêmes causes.

    Qu’est-ce qui établit la demande du service productif de ces divers agents ? la demande qu’on fait du produit qui doit en résulter. Et qu’est-ce qui établit la demande de ce produit ? le besoin qu’on en a, l’utilité dont il est.

    Mais comme on n’achète un produit qu’avec un autre produit*, et que le produit qui achète n’a pu exister de son côté que par des services productifs analogues à ceux qui ont donné naissance au premier, les hommes qui composent la société ne font, dans la réalité, qu’offrir les services productifs propres à un genre de production, en échange des services productifs propres à un autre genre, propres à créer le produit dont ils ont besoin, — et par services productifs j’entends non — seulement les services que rend le travail que l’auteur aurait dû nommer industrie, mais de plus les services que rendent les capitaux et les terres.

    Il en résulte, pour chaque genre, une quantité d’offres et de demandes qui règle la valeur courante, le prix courant de tous ces différents services. Il n’y a point là de prix naturel, de taux commun et fixe, parce qu’il n’y a rien de fixe dans ce qui tient aux valeurs.

    Ce n’est pas un prix que le taux auquel une chose ne se vend pas ; et si elle se vend à ce taux, ce taux devient son prix courant.

    Tout le reste est hypothétique et de peu d’usage dans la pratique. — J.-B. Say.

*. L’argent ou la monnaie ne sont qu’un intermédiaire qui ne reste pas entre les mains des contractants. L’argent qui paie un produit n’a été acquis que par la vente d’un autre. On a vendu son blé pour acheter son drap ; c’est comme si l’on avait échangé du blé contre du drap. L’argent qui a servi à cet échange est allé ailleurs.