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vénients d’avoir adopté l’or et l’argent comme intermédiaires dans les échanges, et comme appréciateurs de toutes les autres marchan-

    la civilisation s’étend et que les nations deviennent plus populeuses et plus riches, par la raison qu’alors elles ont plus d’échanges à opérer au moyen des monnaies et plus d’ustensiles d’or et d’argent à leur usage. Si, comme il est probable, la civilisation gagne l’Amérique tout entière ; si ce vaste continent se couvre d’États indépendants, agriculteurs, manufacturiers, commerçants, et par conséquent riches ; si l’Europe est destinée en même temps, comme il est permis de le croire, à jouir, en raison du progrès des lumières, d’une plus grande liberté d’industrie, il en résultera pour l’opulence générale du monde des progrès tels, qu’ils surpasseront de beaucoup les progrès faits durant les trois derniers siècles, tout immenses qu’ils sont. Les métaux précieux devenant par cette raison beaucoup plus demandés, il se peut que les profits des propriétaires des mines, qui ont été en décroissant jusqu’à présent, recommencent à croître. Mais il se peut, d’un autre côté, que la quantité de métaux précieux qui sera jetée dans la circulation, soit par la découverte de nouveaux filons, soit par de meilleurs procédés d’exploitation, devienne si considérable, que l’accroissement de cette production marche d’un pas plus rapide encore que l’accroissement de la demande, quelque rapide qu’il soit. Alors les profits fonciers des mines recommenceraient à baisser.

    Ce cas ne peut pas paraître invraisemblable, lorsqu’on voit M. de Humboldt affirmer que depuis le commencement du seizième siècle jusqu’à la fin du dix-huitième, la quantité annuelle de métaux précieux que l’Amérique a versée en Europe, a augmenté successivement depuis 3,000,000 de piastres jusqu’à 35,300,000 ; tellement que chaque année met au jour maintenant une quantité d’or et d’argent plus de dix fois aussi grande que chacune des années qui ont suivi la découverte de l’Amérique. Le même voyageur est tenté de croire que les gîtes de minerais qui sont restés intacts dans la chaîne des Andes sont tellement considérables, que l’on commence à peine à jouir de cet inépuisable fonds de richesses que renferme le Nouveau-Monde.

    Quel sera le rapport entre les progrès de la civilisation et des richesses d’une part, et le progrès du produit des mines d’autre part ? Nos neveux pourront l’apprécier ; mais de ce rapport seul, je ne crains pas de le dire, dépendront la valeur des métaux précieux, et les profits fonciers de leurs propriétaires.

    Quelle que soit cette valeur, elle importe peu aux nations. Les métaux servent ou comme monnaies ou comme ustensiles. Comme ustensiles, les objets de service qui en sont faits sont de haut prix si la matière première en est rare, et de bas prix si elle est commune ; les mêmes ustensiles, sont, dans ce dernier cas, plus abondants et à la portée de plus de monde ; mais leur rareté n’est pas une calamité, car ils ne sont ni de première, ni même de seconde nécessité. Comme monnaies, que la matière dont on les compose soit d’une grande ou d’une petite valeur, il n’en résulte rien que la nécessité d’en transporter de grosses masses quand ils sont communs, et de petites quand ils sont rares ; du reste, il n’y a jamais, dans quelque pays que ce soit, qu’une valeur en monnaie déterminée, non par la valeur de sa matière, non par la quantité qu’en fabrique le gouvernement, mais par la valeur des échanges qui sont à faire. Les monnaies, fussent-