Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.

raison du surplus qu’on en retire sous la forme de rente. Et cependant, à l’époque où les terrains sont le plus fertiles, le plus abondants, le plus productifs, ils ne donnent point de rente ; et ce n’est qu’au moment où ils s’appauvrissent, — le même travail donnant moins de produit, — qu’on détache une partie du produit primitif des terrains de premier ordre, pour le paiement de la rente[1]. Il est assez singulier que cette qualité de la terre, qui aurait dû être regardée comme un désavantage, si on la compare aux agents naturels qui secondent le manufacturier, ait été considérée au contraire comme ce qui lui donnait une prééminence marquée. Si l’air, l’eau, l’élasticité de la vapeur, et la pression de l’atmosphère pouvaient avoir des qualités variables et limitées ; si l’on pouvait, de plus, se les approprier, tous

    Voilà pourquoi de certaines terres ne rapportent que 20 sous l’arpent à leur propriétaire, tandis que d’autres se louent 100 fr, 200 fr., et davantage.

    La proportion entre l’offre et la demande fixe le prix des produits territoriaux comme de tout autre produit. Sur ces prix l’industrie et les capitaux dont le concours a été nécessaire, retirent des profits proportionnés aux risques, aux talents, et au taux ordinaire des profits dans tout autre genre de production. Les surplus forment le revenu du propriétaire foncier, le profit annuel de son utile usurpation. En cela nous sommes d’accord avec M. Ricardo ; mais lorsqu’il prétend que, n’y eut-il point de propriétaires, le prix du blé resterait le même, nous ne pouvons le croire.

    Lorsque, soit à cause de la médiocrité du terrain, soit à cause de la pesanteur des impôts, le travail et le capital employés à la culture coûtent plus que ne vaut le produit qui en résulte, alors non-seulement il n’y a pas de profits, de revenu, pour le propriétaire du fonds ; mais il n’y en a point non plus sur ce même fonds pour les capitaux ni l’industrie ; ils se consomment ou s’enfuient ; les terres restent en friche ; la population décroît, la civilisation s’altère, et la barbarie revient. C’est l’observation que Volney a faite sur la Syrie, et qu’on pourrait faire, quoique à un moindre degré, sur de certaines parties de l’Italie et de l’Espagne, qui ont été mieux cultivées et plus populeuses qu’elles ne le sont à présent.

    Il m’a paru plus simple d’exposer ce que je crois être le véritable état des choses, que de combattre, paragraphe par paragraphe, la doctrine de M. Ricardo.— J.-B. Say.

  1. Il se peut qu’une telle théorie convienne mieux aux habitudes et peut-être aux préjugés des Anglais sur la propriété ; mais elle nous paraît inférieure à celle d’Adam Smith, qui est plus conforme à la nature des choses, et qui explique d’une manière beaucoup plus simple l’origine du fermage. Le fermage n’est, selon nous, que le prix de location d’un instrument privilégié dans les pays d’aristocratie, et d’un accès plus libre dans les pays où règne l’égalité des partages. La liberté absolue du commerce en ferait encore plus baisser le taux, si elle existait quelque part. — A. Blanqui.