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les yeux fixés sur la mule, et repassant dans sa tête tous ses beaux projets, se déshabilla jusqu’à la ceinture. Les pélerins récitaient leurs patenôtres et se préparaient à compter les coups expiatoires par les grains de leurs chapelets.

Au second coup, le vilain fit une réflexion nouvelle ; il avait vécu longues années avec son âne ; ils s’aimaient : sa femme le gronderait s’il revenait sans lui. D’ailleurs, qui porterait ses petits enfans ? deux paniers en travers sur la tranquille monture les contenaient tous quatre, et Javote au milieu. Tout bien considéré, il ne pouvait se passer de son âne, même il lui devenait beaucoup plus nécessaire depuis qu’il avait une mule… Ô cœur de l’homme ! Le vilain ne voulut pas continuer l’expiation, s’il ne ramenait son âne au logis. À cela ne tienne, répondit le moine, tu auras, tu emmeneras l’âne comme la mule.

Le vilain continua donc à se fustiger.