Page:Ricard Saint-Hilaire - Le Moine et le Philosophe, 1820, tome 1.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 6 )

gueules noires (gorjo negro), noircies au feu d’enfer ; leur religion a été faite par un ivrogne, leurs femmes se prostituent publiquement dans les casernes[1]. »

  1. Telles étaient en partie les injures qu’on vomissait contre les protestans. On vit des bandes disserter dans les rues et dans les corps-de-garde sur la damnation des hérétiques. Une seule famille a eu cinq hommes égorgés ; l’un d’eux disait sous les coups des bourreaux : je meurs pour ma religion… Belle religion ! lui répondit un assassin, elle a été faite par un ivrogne. Dès le commencement de la réforme, on calomnia les protestans auprès du peuple ; le Roi et les parlemens se joignirent au clergé, et le peuple trompé par ses guides conçut contre les protestans une haine qu’il crut juste, et qu’on nourrit en lui avec du sang. Cette haine existe dans toute sa force. Sur les montagnes de la Lozère, où l’on n’a point vu de protestans, on croit encore qu’ils ne sont pas faits comme les autres hommes. Ce sont des espèces de monstres dont la bouche est noircie par le diable, et de là vient le nom de gorjo negro qui leur est donné dans le Languedoc par les catholiques.