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la réception de ses dons et grâces ineffables ; puis il y a transport dans un être, une vie déiforme par l’union ou l’unité de l’esprit créé avec l’esprit vivant de Dieu (III, 328). La préparation à la contemplation suppose une vie extérieure bien ordonnée, toujours employée aux bonnes œuvres, toujours embellie par des mœurs pures, une vie intérieure remplie de la grâce et du divin amour, toujours fixée en Dieu, une conscience pure, une vie innocente, des sens sobres, une nature domptée à qui l’on ne refuse rien de ce que la prudence réclame, de la douceur et de la disposition à rendre tous les services que les autres peuvent attendre. Par-dessus tout il faut se recueillir en soi-même, loin de toutes les formes et de toutes les images, rassembler toutes les puissances de son âme dans l’unité de son esprit (II, 268). Les règles, les œuvres, les pratiques de toutes les congrégations… n’ont d’autre fin, en s’imposant à notre observance que de nous apprendre à tendre vers Dieu seul, à conserver notre fond dégagé de tout ce qui pourrait mettre obstacle à ce que Dieu s’y place seul (II, 200). Les philosophes disent qu’en demeurant immobile et en se taisant, l’âme devient sage (III, 441). Voulez-vous faire l’expérience, dit Proclus, que ce fond existe en nous… regardez-le avec l’œil de l’intelligence… faites-vous un avec lui qui est un. Cet un, c’est l’obscurité reposée, silencieuse, dormante, divine et hors de soi (III, 119) ».

L’auteur de la Deutsche Theologie doit, d’après un travail récent, être comme Suso et Tauler, mis à côté des mystiques plotiniens, qui rapprochent l’homme de Dieu. L’ouvrage, édité deux fois par Luther, pourrait être repris, comme ceux de Tauler, par les catholiques. On y trouve l’influence de saint Paul, celle de Tauler et d’Eckhart, celle de saint Augustin et indirectement par ces derniers, par le pseudo-Denys, par Boèce, celle des Plotiniens. C’est une Théologie, avec l’Un ou Dieu-Déité, avec le Dieu-Dieu qui se détache de la Déité, avec le Dieu-Homme ou le Christ qui est la créature dans sa perfection. C’est une morale qui nous décrit le bonheur et la peine de la vie parfaite, celle qui consiste à se livrer entièrement à Dieu, en imitant la vie du Christ. Pour la réaliser, il faut une volonté sincère de la connaître, il faut avoir un exemple que l’on suive, un maître qui nous guide ; il faut essayer, il faut pratiquer la vie divine.

L’âme descend dans la créature pour y manifester l’Être divin ;