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I

Le premier point de la théorie de la reviviscence affective auquel je désire me reporter concerne la chose, le contenu réel qui revit dans les cas de mémoire affective, comme on les appelle. Qu’est-ce que ce contenu qui revit ? L’état affectif revit-il sous sa forme d’état affectif ou bien reparaît-il sous la forme d’une image, de caractère cognitif ? On verra que l’une comme l’autre, ces deux conceptions diffèrent de la théorie adverse selon laquelle il n’y a pas du tout de reviviscence de l’état affectif, mais seulement un nouveau sentiment, une nouvelle émotion, qui accompagne une idée ou une image lors de sa réapparition.

Pour répondre à cette question, je mettrai en lumière deux cas : tout d’abord le cas de la reviviscence d’un sentiment qui reste encore un sentiment (ce cas a été abondamment décrit et illustré par les écrivains français) ; et en second lieu le cas dans lequel une impression, un sentiment est éprouvé lors de la réapparition d’une image cognitive ou représentative, et se trouve attribué rétrospectivement à l’expérience originale que l’image représente. Il s’incorpore à l’image réapparue, et il reparaît désormais avec elle.

En ce qui concerne le premier de ces cas, j’adhère en principe aux idées de M. Ribot, telles que je les comprends, c’est-à-dire que je crois qu’une émotion est en elle-même susceptible de reparaître et d’être reconnue. Je reviendrai plus loin à l’aspect de ce premier cas qu’on appelle la « généralisation de l’émotion ». Je vais pour l’instant expliquer et illustrer le second des cas dont je viens de parler.

Ce cas, je le répète, consiste en ceci : nous reconnaissons souvent une émotion en tant qu’elle appartient à une espèce que notre expérience antérieure nous a fait connaître ; et pendant que nous l’éprouvons, nous la rattachons à des images réapparues qui ne l’ont pas, à proprement parler, provoquée d’elles-mêmes à l’origine. Et nous pensons alors que ce sont ces images qui ont cette valeur émotionnelle.

Par exemple, une grande partie du plaisir que nous éprouvons à entendre de la musique est simplement le plaisir de reconnaître le motif — la composition ou la mélodie ; mais l’émotion que nous ressentons actuellement est rapportée au morceau de musique